La République des rentiers

par Yoann Taieb |  publié le 17/06/2025

Un an après la dissolution, les députés macronistes battus se plaignent encore d’avoir perdu leur siège. Étrange lamentation, contraire à l’éthique démocratique.

Résultats des législatives 2024, après la dissolution de l'Assemblée nationale. La coalition de gauche compte 178 sièges devant Ensemble 150 et le Rassemblement national 125. (Photo d'Estelle Ruiz / Hans Lucas via AFP)

Au début du mois de juin 2025, nous avons « fêté » l’anniversaire de la dissolution prononcée par Emmanuel Macron dans la foulée de la défaite de son camp aux élections européennes. Valérie Hayer, alors tête de liste, n’avait récolté que 14% des suffrages, devançant à peine le Parti socialiste représenté par Raphaël Glucksmann, 13%, et terminait loin derrière le RN qui caracolait en tête avec près de 32% des suffrages.

Emmanuel Macron a voulu renverser la table et inciter les Français à lui donner les coudées franches. Opération ratée : la macronie est passée de 245 députés à 163, tandis que 82 députés ont été battus et ont dû abandonner leurs mandats, leurs bureaux, leurs collaborateurs et leurs projets parlementaires du jour au lendemain.

Depuis, les vaincus qui expriment ce qu’ils ont sur le cœur. Ils reprochent au Président d’avoir abusé de son pouvoir constitutionnel et expriment leur amertume. De prime abord, cela peut s’entendre. Ils étaient, souvent, des élus sérieux, investis, travailleurs et passionnés par leurs projets. En un claquement de doigt, ils ont été débranchés. La politique est addictive, passionnante. On y ressent des émotions et une adrénaline qu’on ne retrouve pas ailleurs. On y donne tout, on sacrifie sa vie de famille, ses nuits, sa santé et parfois même sa vie professionnelle d’avant, quitte à prendre des risques inconsidérés.

Cependant, à la lecture de ces témoignages de vaincus, un autre jugement affleure dans l’esprit du citoyen : il y voit une forme d’indécence. Pourquoi ?
Parce que la République et ses mandats électoraux ne sont pas des titres de noblesse. Ils ne sont pas garantis à vie comme ce pouvait être le cas sous l’Ancien régime où un noble pouvait acheter une charge et la transmettre à ses héritiers. Être député, sénateur, élu local n’est pas pour la vie. Il y a là un fond de caprice dans les lamentations des députés vaincus. Comme si la vie était injuste avec eux.

Il y a une forme d’impudeur à continuer de se plaindre un an après. A l’heure où les problèmes sont légion, il n’est pas acceptable de lire les états d’âmes de députés macronistes dont le « rêve » est parti en fumée. Les députés servent l’État. Ils doivent agir avec désintéressement et prendre conscience qu’ils ne sont que de passage. Quand ils ont accepté de se lancer dans l’aventure, ils ont accepté les conséquences positives comme négatives. C’est le jeu de la démocratie. Alors, quand on a été député, c’est un privilège et la moindre des choses est de se comporter avec humilité lorsque vient le temps de rendre son écharpe.

La morale pour ces anciens élus est qu’ils voient désormais que rien n’est simple et qu’il faut cravacher pour s’en sortir. En somme, ce ne sont désormais plus des députés hors-sol et déconnectés. On a prêté à Louis XIV cette fameuse phrase, sûrement apocryphe : « Je m’en vais, mais l’État demeurera toujours ». Le roi le plus absolu donnait, sans le savoir alors, une leçon aux députés de 2025 qui se prétendent héritiers de 1789.

Yoann Taieb