La transition verte viendra-t-elle des rouges ?

par Malik Henni |  publié le 28/01/2025

Paradoxe : dès lors que les États-Unis ont déserté la lutte pour le climat, la Chine pourrait somme toute montrer l’exemple…

Vue partielle de la centrale photovoltaïque de Shichengzi, dans le nord-ouest de la Chine. La Chine en matière d'énergie verte a favorisé le développement des industries de l'énergie éolienne et solaire. (Photo Feng Yang / Xinhua via AFP)

La volonté de Donald Trump de faire comme si le réchauffement climatique et la sixième extinction de masse n’existaient pas laisse un vide dans la lutte pour la transition écologique. Derrière son « on va forer, bébé », le milliardaire exprime son extractivisme et son rejet de toutes coopération internationale pour mettre fin à l’usage des énergies fossiles. Après lui, le déluge.

Et si ce nouveau grand bond en arrière laissait la place à la Chine ? Certes, la république populaire et son milliard et demi d’habitants demeure le premier pollueur mondial ainsi que le premier consommateur de charbon. Sa transformation en usine du monde a nécessité une source d’énergie peu chère, au bénéfice de l’Occident, trop heureuse de délocaliser sa pollution atmosphérique bien loin. Les images des villes chinoises asphyxiées par le fog étaient légion il y a encore quelques années. Cependant, la voie montrée par Pékin est très claire : la transition écologique est devenue le moteur des investissements en 2023 en lieu et place de l’immobilier et stimule aujourd’hui la croissance chinoise.
La croissance du marché des panneaux solaires est impressionnante : l’Europe est totalement hors du coup alors que l’Allemagne était leader il y a quinze ans, toute la chaîne de valeur est maîtrisée par les entreprises chinoises qui à présent inondent le marché. Près de 90% des panneaux solaires installés en Nouvelle-Zélande sont chinois, Pékin se rendant ainsi indispensable pour que chaque pays atteigne la neutralité carbone.

Et ces investissements payent. En 2023, la Chine disposait de 609 GW de capacité solaire installée, représentant la plus grande part mondiale. De plus, 75% des capacités de production des éoliennes dans le monde sont en Chine. Pékin investit dans les capacités de stockage, notamment l’hydrogène verte, un secteur où la concurrence avec l’Europe n’est pas encore totalement résolue. Pendant trois mois en 2024, plus de 50% des voitures neuves les plus vendues étaient électriques. En comparaison, en France, elles représentaient 16,9% sur l’année. Les objectifs européens pour cette année ne seront pas atteints, mettant en danger notre capacité à vivre sur une planète encore habitable. La Chine est la première économie à ne pas avoir laissé la transition écologique dans une niche de ses statistiques publiques mais en avoir fait un outil au service de son industrie et de son soft power. Et les conséquences pourraient être historiques.

Remontons un peu dans le temps. Si le libéralisme et le communisme sont devenus les deux grandes idéologies de la seconde moitié du vingtième siècle, c’est grâce à leur victoire sur le fascisme, relégué aux poubelles de l’histoire. Les sacrifices de Stalingrad d’Iwo Jima ont justifié la promotion des idéologies des vainqueurs, jusqu’à ce que le soviétisme s’effondre sous le poids de ses propres contradictions en 1989. Si après-demain la civilisation doit sa survie au régime chinois, à sa surveillance numérique totale et son autoritarisme sans fard qui ont permis de réduire les émissions de CO² à un niveau acceptable, alors le PCC en retirera le même type de gloire. La transition verte pourrait marquer la victoire de l’homme rouge.

Malik Henni