La victoire de Trump : pour enfoncer le clou

par Laurent Joffrin |  publié le 11/11/2024

Un sondage Blueprint effectué aux États-Unis vient confirmer ce que nous écrivions : l’immigration et le « wokisme » ont joué un rôle majeur.

Laurent Joffrin

Décidément, le message commence à passer. Parmi les différents facteurs expliquant la victoire de Donald Trump, nous avions mis l’accent, à côté de l’inflation et des questions de pouvoir d’achat, sur le rôle de l’immigration record enregistrée pendant le mandat de Joe Biden, et sur les effets pervers des outrances « wokistes » sur l’électorat. Peu après, nous lisons dans Le Monde, sous la plume de Philippe Bernard, le constat suivant : « Que Donald Trump ait fait de l’expulsion de millions d’immigrés une promesse phare de sa campagne victorieuse ne peut laisser indifférent. Déjà, l’immigration n’a-t-elle pas été un facteur déterminant du vote des Britanniques en faveur du Brexit en 2016 ? Des succès de Viktor Orban en Hongrie, de Björn Höcke en Thuringe (Allemagne), de Giorgia Meloni en Italie, de Geert Wilders aux Pays-Bas, de Marine Le Pen en France ? » On ne saurait mieux dire…

Voici maintenant qu’un sondage commandé par Blueprint, un organisme destiné à aider Kamala Harris par ses études d’opinion, une explication générale de l’échec de cette louable entreprise. Il en ressort les conclusions que voici : pour les électeurs américains, notamment les « swing voters », ceux qui ont délaissé les démocrates pour les républicains, « l’inflation était trop élevée », « trop d’immigrants ont traversé la frontière », « Harris été trop concentrée sur les questions sociétales, plutôt que sur les moyens d’aider la classe moyenne ». Peut-on être plus clair ?

Le résultat est d’autant plus frappant que ces réponses ne diffèrent que très peu selon qu’on s’adresse à l’ensemble des électeurs ou bien à ceux des minorités (latino ou afro-américaine), ce qui contredit frontalement la vision communautaire de la vie politique prônée par une certaine gauche.

Bien entendu, le mécanisme habituel de dénégation se mettra en route. Ces sondages ne veulent rien dire, dira-t-on, d’ailleurs ils ont échoué à prévoir le résultat. Si Harris a perdu, c’est qu’elle n’était pas assez à gauche, comme on le lit (aussi dans Le Monde) dans la bouche de Naomi Klein, essayiste de la gauche radicale, et dans tant de papiers émanant du même courant. L’ennui, c’est que ce sondage n’a pas la même fonction que les enquêtes électorales. Il donne des ordres de grandeur qui peuvent varier, mais où les grandes tendances sont incontestables, alors qu’une enquête électorale repose sur une précision à deux points près qui rend la prévision du résultat hasardeuse. L’étude de Blueprint est très nette, les écarts sont trop importants pour ne pas traduire une réalité.

Nous enfonçons donc le clou : sauf à laisser l’extrême-droite le monopole du discours sur le sujet, le camp progressiste doit réfléchir d’urgence à une politique d’immigration conforme à ses valeurs, mais aussi cohérente et réaliste ; il doit se démarquer, non de l’antiracisme ou de féminisme (évidemment), mais des outrances décoloniales ou intersectionnelles qui fournissent à ses adversaires des arguments tout trouvés pour conquérir l’opinion hésitante.

Laurent Joffrin