Laurent Wauquiez : la sortie de route

par Valérie Lecasble |  publié le 09/04/2025

Tout à son obsession de ravir à Bruno Retailleau la tête du parti Les Républicains pour lancer sa candidature à l’Élysée, le président du groupe LR s’égare dans le trumpisme.

Laurent Wauquiez candidat à la présidence des Républicains au Palais des Congrès de Montélimar, le 3 avril 2025. Réunion publique dans le cadre de la campagne pour la présidence du parti de droite Les Républicains (LR). (Photo de Nicolas Guyonnet / Hans Lucas via AFP)

Une extravagante sortie de route ! En proclamant à la Une du JD News « Enfermons les OQTF à Saint-Pierre et Miquelon », Laurent Wauquiez pète un plomb. Jusque-là, il semblait pourtant conduire une stratégie cohérente. Pour tenter de remporter la présidence du parti Les Républicains qu’il guigne depuis de longues années comme marchepied pour lancer sa candidature à l’élection présidentielle, il avait pris le parti de sillonner la France sur le terrain, à la rencontre des militants LR, ceux-là même qui mettront leur vote dans l’urne en mai prochain. Son rival Bruno Retailleau filait, lui, comme une météore en tête des sondages en multipliant les déplacements et les déclarations depuis qu’il a été nommé il y a six mois ministre de l’Intérieur.

Deux hommes, deux stratégies : et si, après tout, grâce au doublement du nombre des encartés LR qu’il a obtenu, Laurent Wauquiez provoquait la surprise en ravissant contre toute attente le précieux poste au populaire Retailleau ? Les militants contre l’opinion publique, le calcul tenait la route. Est-ce le désaveu infligé à Bruno Retailleau par Emmanuel Macron, qui a dépêché son ministre des Affaires étrangères pour renouer le dialogue avec Alger après un long entretien téléphonique personnel avec le président Tebboune ? Le ministre de l’Intérieur avait pourtant menacé de démissionner s’il n’obtenait pas gain de cause, à savoir la remise en cause des accords de 1968 si la France n’obtenait pas de renvoyer chez eux les ressortissants algériens sous OQTF. Or, les relations entre la France et l’Algérie sont revenues à la normale sans que l’on sache ce qu’il adviendra de la liste des soixante OQTF fournie par Paris à Alger. Interrogé, Retailleau a confirmé qu’il restait en poste. Une déculottée.

C’est donc le moment que choisit Laurent Wauquiez pour se mettre sur le terrain de son adversaire avec cette proposition tonitruante : enfermer les OQTF à Saint Pierre et Miquelon, deux îles françaises situées au large de l’île canadienne de Terre-Neuve. Un Guantanamo à la française, à 4300 kilomètres de la métropole…. « Une solution audacieuse et rapide » pour pallier l’inefficacité des expulsions, plaide Wauquiez. L’hypothèse déclenche un tollé. Les habitants de ce lointain territoire sont choqués. Manuel Valls, ministre des Outre-Mer fustige : « aucun territoire ne mérite d’être traité comme une zone de relégation. L’exil forcé est une méthode de colon, pas d’élu de la République ». Même Marine Le Pen qui obtient de bons scores outre-mer, réplique : « la place des OQTF est dans leur pays… sûrement pas dans un territoire français ».

Laurent Wauquiez sait que sa proposition est une provocation qui n’a pas la moindre chance d’être adoptée. Mais en montant au créneau sur les OQTF, le dada de Retailleau, à l’instant même où celui-ci échoue à avancer sur le sujet, il se fait enfin remarquer des médias et de la classe politique, alors qu’il était passé sous les radars après avoir échoué à deux reprises à être nommé ministre. Mieux vaut que l’on parle de vous en mal que pas du tout, dit le vieil adage de la communication politique. Sauf qu’en l’occurrence, il risque de se disqualifier par des propos aux accents trumpistes. Une sortie de route qui met à mal toute sa stratégie.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique