Le bal des irresponsables

par Laurent Joffrin |  publié le 19/12/2024

Dans une situation de crise de plus en plus dangereuse pour le pays, le Premier ministre et son opposition sont décidément en dessous de tout.

Chefs de partis politiques français ,Laurent Wauquiez des LR, François Bayrou du MoDem, Jean-Luc Mélenchon de LFI, Olivier Faure du PS et Marine Le Pen du RN posent avant un débat organisé par BFM TV en mars 2019. (photo Kenzo TRIBOUILLARD / PISCINE / AFP)

Prenons un peu de recul : tout cela est lamentable. Le pays est au bord d’une crise économique et sociale majeure, la guerre fait toujours rage à l’est, l’Europe décroche dans la compétition industrielle et l’Union fait tous les jours la preuve de son insuffisance, les extrêmes ne sont pas loin d’être majoritaires dans l’électorat et la France n’a toujours ni cap ni boussole, ni gouvernement ni majorité, ni projet ni perspective.

Depuis la nomination de François Bayrou, on connaît l’équation : aucun parti n’étant majoritaire, il faut un gouvernement de compromis, dont la politique réponde aux questions cruciales qui assaillent le pays, et s’assure de ne pas être renversé en échangeant avec son opposition responsable des concessions réciproques.

Le choix du centrisme ayant été fait, le Premier ministre ne peut pas survivre s’il n’accorde pas aux socialistes des compensations programmatiques sur le budget et sur les retraites. Quant aux socialistes, ils doivent annoncer sans ambages que s’ils obtiennent ces avancées, ils laisseront le gouvernement vivre. Or, comme si chacun continuait à penser qu’il est majoritaire, ni Bayrou, ni le PS ne font les gestes qui permettraient de sortir de l’impasse ou, à tout le moins, de progresser vers un accord. L’un veut à toute force maintenir la réforme des retraites alors que c’est un casus belli, les autres demandent son abrogation pure et simple au lieu de reconnaître qu’il est aussi possible de discuter de son aménagement et de chercher un point moyen entre les deux positions. Dans un bateau qui coule, chaque marin attend que les autres écopent avant de s’y mettre.

En attendant, l’opinion s’angoisse devant cette paralysie, désespère de la politique et les élus voient leur crédit, qui n’était déjà pas très haut, s’effondrer de jour en jour, tandis que les préteurs qui financent le déficit français s’apprêtent à exiger en retour une rémunération de plus en plus haute. À se prolonger encore, cette situation mène tout droit à l’abîme : un renversement du Premier ministre dans un mois ou deux, un assaut frontal contre le président de la République et, si celui-ci réussit, une élection présidentielle dominée par les extrêmes. Avec cet avertissement en prime : ceux qui auront prêté la main à cet affaissement resteront dans l’histoire politique comme les fossoyeurs de la République.

Laurent Joffrin