« Le beau rôle » : un choix cornélien
Sorti le 18 décembre, le premier film de Victor Rodenbach est la comédie romantique idéale de l’hiver.
« Le beau rôle » est un premier film, mais son réalisateur, Victor Rodenbach, n’est pas un inconnu. Il s’est fait remarquer des professionnels de la profession en participant aux scénarios de plusieurs séries à succès : « Platane » (Saison 2), « Les Grands » et « Stalk », l’un et l’autre prix de la meilleure série au Festival de la Rochelle ; et, surtout, de « 10% » (Saison 4). À ce titre, il a remporté un prestigieux International Emmy Award qu’il est allé lui-même chercher à New York en compagnie Dominique Besnehard, l’initiateur de la série pour France 2, et de sa créatrice Fanny Herrero.
Fort de cette carte de visite, cet ancien élève de la Fémis a pu réaliser son rêve : un long métrage. Encore fallait-il transformer l’essai (comme dirait Daniel Herrero). C’est fait, et de la plus belle des manières : avec intelligence, tendresse, humour. « Le beau rôle » est la comédie romantique idéale pour passer les fêtes au chaud, avec quelques bleus à l’âme mais pas trop. Juste ce qu’il faut.
Nora (Vimala Pons) est metteuse en scène de théâtre. Henri (William Lebghil), son compagnon, est aussi son acteur fétiche. Ils sont en train de travailler sur Ivanov de Tchekov et les répétitions se passent plutôt bien. C’est alors qu’Henri reçoit une proposition du genre de celles qu’on ne peut pas refuser : un rôle important dans un film attendu. Henri a toujours eu des envies de cinéma. Il veut saisir cette opportunité, qui ne se représentera pas de sitôt.
Premiers grincements dans le couple. Nora se sent trahie, plaquée au milieu du gué. En proie au doute, elle est en pleine recherche. La mise en scène cafouille ; les acteurs déçoivent. Et qui pour remplacer ce lâcheur d’Henri ? Alors que les emmerdes volent en escadrille au-dessus du plateau, Nora prend très mal la défection de son compagnon. Celui-ci lui avait assuré pouvoir mener les deux projets de front, le film et Ivanov. Sauf qu’il n’y arrive pas. Il débarque crevé au théâtre, entre deux trains dans lesquels il a mal dormi, et n’a plus de jus quand la caméra se met à tourner.
Le couple ne va pas résister à cette double attraction : théâtre ou cinéma ? Ensemble ou chacun de son côté ? Choix cornélien. Henri choisit le cinéma ; ce faisant, il quitte Nora. Ou Nora le quitte, c’est comme on veut. La situation n’est plus tenable. Henri s’installe chez François, la vedette du film (Jérémie Laheurte), qui le prend sous son aile et le protège au moment où Henri n’est pas loin de craquer.
Il peut compter aussi sur l’amitié amoureuse de Lou, la costumière du film (Pauline Bayle). Metteuse-en-scène remarquée, directrice du Théâtre Public de Montreuil, Pauline est, à la ville, la compagne de Victor. On comprend mieux pourquoi les rapports cinéma-théâtre sont au cœur de cette « comédie de remariage » à la gravité légère, si l’on permet cet oxymore.
Car la question est posée : au bout du compte, Henri et Nora vont-ils se retrouver? Enfin émancipés l’un de l’autre ? Ou l’un avec l’autre ? Rodenbach sait ménager le suspense. Le dernier plan du film est une jolie trouvaille.
« Le beau rôle », de Victor Rodenbach
Avec Vimala Pons, William Lebghil, Jérémie Laheurte, Pauline Bayle. 1h24