Le CDD non renouvelable

par Boris Enet |  publié le 13/12/2024

La nomination de François Bayrou, à l’issue d’un nouveau feuilleton à rallonge, clôt une nouvelle séquence risquant de ne convenir qu’à quelques-uns. Passée la trêve des confiseurs, les postures reprendront jusqu’à la possible crise finale à laquelle aspirent les populistes.

Michel Barnier et le nouveau Premier ministre François Bayrou lors de la cérémonie de passation de pouvoir à l'hôtel Matignon à Paris le 13 décembre 2024. (Photo Abdul Saboor / POOL / AFP)

Cette nomination est-elle de nature à contenter les populistes rive droite et ceux de la rive « gauche » ? Evidemment non. Les engagements républicains et démocratiques de François Bayrou plaident pour lui et ne sauraient contenter les troupes de Le Pen et Bardella. Sa prise de position sur l’éventuelle inéligibilité de Marine Le Pen à l’issue de son procès ne change rien aux fondamentaux qui sont les siens : un ardent défenseur du front républicain, ce qui n’est pas qu’anecdotique dans la période et présente une inflexion majeure avec une partie du gouvernement Barnier. 

LFI tient en horreur Bayrou, présenté comme un macroniste de la première heure, donc de droite, donc hostile au NFP et aux intérêts du prolétariat hexagonal sous la protection de son altesse génialissime J-L Mélenchon. Jusqu’ici, rien de surprenant.

Si la dernière nomination peut satisfaire une partie du fameux « bloc central » dont les partisans de M. Attal et Mme Borne, eux-aussi garants de la ligne rouge avec l’extrême-droite, rien ne dit qu’une partie des députés LR goûtent la dernière surprise du chef. D’abord parce que le coup de patte à Sarkozy n’a jamais connu d’ardoise magique qui effacerait la consigne de vote en faveur de la gauche au second tour de la présidentielle de jadis, mais surtout parce que la déportation des députés LR sur les questions sociétales (immigration, éducation à la sexualité à l’école) et européennes, contredisent le profil centriste bon teint du palois. 

Aussi, soit François Bayrou se rapprochera de la droite, attisant les critiques, voire la censure de l’aile raisonnable du NFP, ou bien ce sera l’inverse avec les mêmes résultats en sens contraire.

Pour jauger l’espérance de vie du gouvernement à venir, il faut mesurer l’influence de la maison Tondelier. On peut craindre que la radicalité à la sauce Rousseau incite les écologistes au refus sinon pourquoi se dispose-t-il à attaquer les exécutifs socialistes locaux ?

Les socialistes ? Ils adopteront une position d’attente dans un premier temps, posant des conditions à leur « non censure » pour reprendre la formule de Boris Vallaud, à commencer par la non utilisation du 49-3. Mais sans rupture actée, explicitée, argumentée, justifiée avec LFI au sein du NFP, ils seront à portée de pression et de fusil du caudillo, qu’il soit dans les travées de l’assemblée ou derrière le rideau. Pour un compromis raisonnable, à condition que le premier intéressé le porte et l’incarne jusqu’aux prochaines échéances électorales, ne resteront à gauche qu’une partie des socialistes, des communistes, des radicaux et de quelques députés du groupe LIOT. 

En somme, il est vraisemblable, sauf heureuse surprise en termes de composition gouvernementale, que nous partions à moyen terme pour un bis repetita. Les garanties européennes et démocratiques de Bayrou sont autrement plus probantes que celles de Barnier, mais la fatigue démocratique est telle – tous les sondages en attestent -, les voix de la raison si peu audibles et l’hybris présidentiel encore si prégnant qu’on peut gager sur un CDD inférieur à dix mois, non renouvelable.

Boris Enet