Le clip de Trump sur Gaza : un projet politique
Les images révoltantes sur Gaza réalisées par Elon Musk et reprises par Donald Trump ne sont pas seulement une provocation dégradante. Elles expriment un dessein stratégique.

Bien sûr, il y a l’écœurant mauvais goût de deux milliardaires prédateurs, dont l’hubris n’a plus aucune limite dès lors qu’ils ont mis la main sur l’État américain et sur son armée qu’aucune autre le peut défier. À la tête de l’empire américain, voici Néron et Caligula version yankee, avec pluie de dollars, casino aux néons criards, côtes bétonnées et statues en or. Le paradis selon Musk et Trump, décrit dans un clip indécent réalisé avec l’intelligence artificielle et diffusé sur X et Truth Social, les réseaux qu’ils contrôlent.
On aurait tort de s’arrêter à ce spectacle vomitif, réalisé au moment où les Gazaouis, censés figurer dans le film (on y voit des danseuses du ventre pour l’essentiel), errent parmi les ruines de leurs maisons détruites et les tombes de leurs proches (près de 50 000 morts), tandis que la population israélienne pleure ses otages martyrisés et, pour une bonne partie, assassinés. Au-delà de l’indécence assumée par Musk et Trump, il y a là un projet politique.
Il a été formulé par le président américain et salué discrètement, mais clairement, par le gouvernement israélien : la transformation de Gaza en une « riviera » baignant dans le fric et le clinquant, quel qu’en soit le coût humain. Car il y a évidemment un envers à ce décor esquissé en un clip. Une nouvelle guerre, d’abord : pour mener à bien ce projet, il faut réoccuper Gaza. Or contrairement à ce qu’avait annoncé Benyamin Netanyahou, le Hamas n’a pas été détruit. C’est même lui qui négocie et c’est lui qui a organisé ces honteuses séquences de libérations d’otages qui ont poussé aussi loin que possible la haine et la dégradation humaine. Pour contrôler Gaza – ce qui n’a pas été réussi en un an de combats – il faut s’en débarrasser et donc reprendre la guerre de destruction d’une ville et d’un peuple, ce que Netanyahou envisage de faire à chaque fois que l’accord de trêve trébuche sur tel ou tel incident.
Il faut ensuite disperser ces Gazaouis intempestifs ailleurs, c’est-à-dire dans des camps de réfugiés situés en Égypte, en Jordanie ou plus loin, si un gouvernement arabe accepte de les recevoir. Autrement dit, il faut organiser la déportation de deux millions de personnes, crime de guerre reconnu et aussi crime contre l’humanité. Déjà le gouvernement israélien intensifie ses opérations en Cisjordanie, où il rêve de réaliser tout de suite ce que Trump envisage pour Gaza : la colonisation intégrale de « la Judée et la Samarie », selon les vœux maintes fois formulés par l’extrême-droite israélienne et soutenus par une partie croissante de l’opinion israélienne traumatisée par le pogrom du 7 octobre.
Voilà donc le projet : un paradis pour milliardaires entouré de bidonvilles pour les gueux, qu’on tiendra à distance grâce à des barbelés, des mitrailleuses et un réseau de surveillance fondé sur l’IA. Une métaphore de ce que le trumpisme espère pour l’Amérique.