Le coup de billard du Béarnais

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 09/02/2025

François Bayrou souhaite modifier le mode de scrutin des trois plus grandes villes de France, Paris, Lyon et Marseille, pour les soumettre au droit commun. Zizanie assurée…

La ministre déléguée et porte-parole du gouvernement Sophie Primas a confirmé qu’un texte a été déposé en octobre pour modifier le mode de scrutin des trois plus grandes villes françaises. (Photo Ludovic MARIN / AFP)

Cela part d’une idée de bon sens : pourquoi conserver la loi dite PLM pour régir les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille quand les autres villes de France élisent directement leur maire ? La loi PLM prévoit en effet, depuis 1982, que les élections municipales se déroulent par arrondissements ou par secteurs. Avec ce scrutin à deux degrés, la désignation du maire se fait en deux temps, rendant possible la victoire d’un édile minoritaire en voix.

François Bayrou a surpris son monde en reprenant à son compte l’idée des macronistes de mettre fin à l’exception PLM. La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a confirmé qu’un texte déposé en octobre par quatre députés Renaissance servira de « support à l’évolution de ce mode de scrutin, au mois de mars au plus tard ». Le Premier ministre a consulté et reçu les maires concernés, la socialiste Anne Hidalgo pour Paris, l’écologiste Grégoire Doucet pour Lyon et le divers gauche Benoît Payan pour Marseille.

L’enthousiasme n’est pas au rendez-vous. Seul le marseillais accueille le projet favorablement : « Il n’y a pas de raison de ne pas s’inscrire dans le droit commun. Cela va dans le sens de l’équité et de la simplification ». De leur côté, la maire de la capitale dénonce « une réforme précipitée et sans fondement » et son collègue de Lyon « un tripatouillage électoral ». Chacun regarde son intérêt supposé. Les arrière-pensées sont en effet dominantes dans les réactions à ce type de projet.

Si François Bayrou s’est lancé dans cette entreprise compliquée si peu de temps avant le prochain scrutin (mars 2026), c’est sous la pression des élus qui pensent que la réforme les favorisera. A commencer par les macronistes, qui rêvent d’arracher Paris aux socialistes. Rachida Dati, qui a une bonne cote auprès des Parisiens, s’estime désavantagée par le vote par secteur. Avec le système actuel, elle pourrait être majoritaire en voix, mais se retrouver battue parce que ses partisans seraient concentrés dans certains arrondissements et manqueraient dans d’autres qui, faute d’une répartition plus harmonieuse, ne basculeraient pas.

Cet effet « swing states », qui permet aux États-Unis de constater parfois un décalage important entre les voix du peuple et celles des grands électeurs, pourrait être supprimé par la réforme de loi PLM. Et les élections y gagneraient en clarté. Encore faut-il trouver une majorité pour voter la réforme. Elle dérangerait beaucoup d’élus, à commencer par les conseillers d’arrondissements et leur « mini-maire », qui craignent de se voir écrasés s’ils sont dans l’opposition au maire élu.

Introduite par la gauche en 1983 pour permettre à un Gaston Defferre menacé de se maintenir à Marseille en 1983, la loi PLM fonctionne désormais depuis plus de 40 ans, avec des adeptes et des détracteurs dans tous les camps. Les modifications n’apportent pas toujours les gains espérés à leurs initiateurs. Si une réforme est finalement votée (ce qui n’a rien d’évident avec l’Assemblée actuelle), on aura compris que le sort de la capitale en est le principal enjeu. Après quatre mandatures socialistes, François Bayrou espère offrir une chance au centre droit. Si Paris vaut bien une messe, sans doute vaut-elle bien une réforme…

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse