Reagan : la victoire d’un «crétin»

par Alfred de Montesquiou |  publié le 24/01/2025

Jouait-il à l’idiot, ou l’était-il réellement ? Si la question reste ouverte, Ronald Reagan a sans conteste façonné la politique américaine et rebattu les cartes de l’économie mondiale.  

« Le Crétin qui a gagné la Guerre Froide », de Jean-Yves Le Naour et Cédrick Le Bihan, Éditions Grand Angle

Un outsider, considéré comme ignare en politique, qui s’impose à la tête du parti Républicain avec des slogans creux et des formules à l’emporte-pièce, puis enlève l’élection présidentielle à deux reprises avant d’imposer sa vision géopolitique au reste du monde… 

Le nom de Donald Trump pourrait venir à l’esprit en cette semaine d’inauguration à Washington, mais c’est de son précurseur, Ronald Reagan, qu’il s’agit. Un acteur d’Hollywood devenu gouverneur de Californie, que personne ne prend alors au sérieux et qui va pourtant largement emporter le suffrage populaire américain dans les années 1980. Guère travailleur, peu au-fait des dossiers et incapable de se concentrer, Reagan est avant tout une bête de communication. Il va s’imposer dans l’opinion avec des mesures économiques ultra-libérales, et relancer la course aux armements face à l’URSS. 

Incisif et précis, ce nouvel album au titre volontairement provocateur – « Le Crétin qui a gagné la Guerre Froide » – retrace donc les grandes étapes des années Reagan, soulignant au passage les ressemblances frappantes entre Donald et Ronald, le président du « America First » devenu figure emblématique du mouvement « Make America Great Again » qui vient de porter le trumpisme au pouvoir. 

Au fil des pages, le scénariste Jean-Yves Le Naour, historien spécialiste du XXème siècle, décrit les mesures néo-libérales instaurées pour complaire à Wall Street, les trafics d’armes de la CIA, les coups de force en Amérique centrale, et divers pugilats entre la Maison Blanche et le Congrès sur fond de menace d’impeachment. Mais le récit illustre surtout comment Reagan a frôlé le conflit ouvert avec l’URSS avant de s’embarquer dans une série de négociations avec Mikhaïl Gorbatchev, enclenchant la réduction de l’arsenal nucléaire mondial, puis la chute du mur de Berlin en 1989 et finalement l’effondrement de l’Union Soviétique. 

Tracé en ligne claire et couleurs pointillistes, le dessin de Cédrick Le Bihan renforce l’impression d’élégance d’une BD aux allures pop-art qui nous plonge dans les arcanes populistes de la droite américaine, avec sa dose de cynisme et d’esbrouffe… 

« Le Crétin qui a gagné la Guerre Froide », de Jean-Yves Le Naour et Cédrick Le Bihan, Editions Grand Angle, 64 pages, 15,90€ 

Consulter trois planches de la BD en cliquant sur ce lien

Alfred de Montesquiou