Le discours qui a ébranlé l’Allemagne
On n’a pas mesuré en France le choc immense ressenti par les Allemands en entendant les propos du vice-président américain. Un traumatisme, mais aussi une occasion d’agir pour la France.
Quelques jours passés à Berlin, la semaine dernière pour assister à la 75è Berlinale, l’un des trois grands festivals de cinéma d’Europe… Ce lundi soir, à l’ambassade de France, pour la réception rituelle, point de commentaires sur les films. Il n’était question que de l’annonce faite à Munich le samedi après-midi par le vice-président américain, J.D. Vance : la fin de l’Alliance transatlantique.
Pour un pays qui a fait des États-Unis un modèle démocratique et leur a remis les clés de sa protection militaire, le choc est immense : le numéro deux du gouvernement américain s’est exprimé comme un seigneur s’adressant à ses vassaux et, pour faire bonne mesure, il s’est ensuite entretenu avec la responsable du parti d’extrême droite, l’AfD, sans rencontrer le chancelier Scholz. « Inacceptable » a aussitôt rétorqué le ministre de la défense, Boris Pistorius, figure montante et populaire du SPD.
La France a toujours marqué une certaine distance avec les États-Unis. De Gaulle est sorti de l’Otan ; Chirac a refusé la guerre en Irak ; Mitterrand a imposé des ministres communistes dans son gouvernement. En Allemagne, malgré l’Europe, malgré la relation franco-allemande, c’est l’alignement atlantique qui a prévalu, à la CDU encore plus qu’au SPD. Cornélienne situation pour un pays dont la croissance dépend de l’énergie russe, les exportations du commerce avec la Chine et la sécurité du parapluie militaire américain.
Les Allemands sont un peuple fort, difficile à mouvoir, mais capable de réagir aux grands défis du monde en s’appuyant sur un pays malgré tout solide. Ils sauront surmonter l’affront inouï qui leur a été infligé dans cette journée de Munich et qui restera dans l’histoire.
On a remarqué ces derniers jours les réactions très fermes des responsables allemands après les déclarations du président américain sur Zelensky et sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre. « Mensonges absurdes et choquants » : tels ont été les termes employés, que l’Allemagne n’avait jamais utilisés jusqu’ici.
Les élections du dimanche 23 février devraient porter au pouvoir une nouvelle grande coalition, dirigée par Friedrich Merz, CDU, et sans doute Boris Pistorius pour le SPD. En espérant que l’extrême droite, l’AfD, soutenue par Trump ne fasse pas un score trop élevé.
Nul ne doute que le nouveau chancelier prendra rapidement des initiatives pour accélérer le réarmement et se rapprocher des Français, de manière à relancer la constitution de la force armée européenne qui se dessine et prenne des initiatives fortes sur le plan européen. Seul l’envoi de troupes pose problème : la marche est encore trop haute.
Reste le traumatisme pour les Allemands, qui voient avec horreur leur allié traditionnel emprunter les voies du fascisme. C’est à la France de leur offrir une solution : rendre son élan au couple franco-allemand, dynamiser l’intégration européenne, se rapprocher de la Grande-Bretagne pour faire naître une puissance capable de résister aux totalitarismes de Poutine et de Trump, sur un continent toujours fidèle aux valeurs démocratiques.