Le film hanté de Steven Soderbergh

par Thierry Gandillot |  publié le 07/02/2025

Avec « Présence », Steven Soderbergh revisite le film de fantômes. À sa manière, toujours élégante et souvent troublante.

Callina Lang (Chloé), dans "Présence", de Steven Soberbergh

Steven Soderbergh a déboulé sur la planète cinéma en remportant la Palme d’or du festival de Cannes avec « Sexe, Mensonges et Vidéo ». Il avait 26 ans. Aujourd’hui, il en a 62 – chiffre inversé, est-ce un signe ? Entre-temps, il n’a pas chômé. On peut dire qu’il a abordé à peu près tous les genres et tous les thèmes, à un rythme d’enfer : thriller, science-fiction, politique, écologie, épidémies, cartels, centrales nucléaires, Che Gevara ou Erin Brockovich, comédie et tragédie. Il y a pourtant un genre qu’il n’avait pas encore traité : le film de fantôme. C’est chose faite. À sa manière, élégante et troublante.

Une famille américaine plutôt aisée s’installe dans une belle maison située dans une banlieue calme. La maman, Rebekah, est une femme forte, accaparée par son travail. Son dynamisme et sa réussite professionnelle assomment son mari Chris qui peine, lui, à trouver un sens à sa vie, sinon d’exister bêtement face à son envahissante épouse. Leur fils, Tyler est l’étudiant type des universités américaines : sportif, beau gosse et hyper social. Leur fille, Chloé, elle, est fortement perturbée depuis la disparition de sa meilleure amie, Nadia, morte dans des conditions troubles, peut-être après avoir consommé de la drogue.

Dès qu’elle arrive dans cette maison, Chloé sent comme une présence.  Elle n’a pas tort, mais personne ne la croit, mettant cela sur le compte du trauma consécutif à la mort de Nadia. Mais présence, il y a.

À la suite de plusieurs « trucs bizarres », les parents de Chloé acceptent de faire venir une parapsychologue qui, elle aussi, sent très fortement une présence ; mais personne ne la prend vraiment au sérieux. Même le jour où elle débarque, affolée, en désignant une fenêtre dont il ne faut pas s’approcher. On aurait mieux fait de la croire …

L’intérêt du film de Soderbergh tient beaucoup au fait qu’il est tourné en caméra subjective. Cela crée chez le spectateur une grande frustration, mais aussi une grande excitation. Vous pouvez vous déplacer, mais vous ne pouvez ni parler, encore moins vous manifester, ni modifier le cours des choses. Alors que l’évidence d’un drame se précise, vous voudriez pouvoir intervenir pour éviter le tragique dénouement.

La mère de Soderbergh était parapsychologue, tirait les cartes ou dressait des thèmes astraux. « Elle s’intéressait à toutes ces sortes de croyance, révèle-t-il à Télérama. Quand on avait dix ans dans les années 1970, on ne savait pas trop quoi faire de ça, ce n’était ni courant, ni cool. Quand j’ai soumis le point de départ de « Présence », au scénariste David Koepp, c’était dans mon esprit, une façon de pénétrer dans le monde de ma mère où ces choses étaient absolument réelles. C’était une occasion … d’être elle ».

Si l’on est attentif au générique, on remarquera que Soderbergh a signé le montage du nom de jeune fille de sa mère, Mary Ann Bernard. Quant au directeur de la photo, un certain Peter Andrews, c’est à une lettre près, le nom de son père, Peter Andrew. Un « générique-fantôme » en quelque sorte …

« Présence », de Steven Soderbergh, avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang et Eddy Maday. 1h25

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture