Le fonctionnaire, encore lui, toujours lui
L’alignement des 5,7 millions d’agents de la fonction publique sur ce qui se pratique dans le privé en termes de délais de carence pour limiter l’absentéisme, est une attaque illégitime et absurde.
L’absentéisme dans la fonction publique est une réalité statistique connue, encore convient-il d’être précis pour en déconstruire les fantasmes. Moins important dans la fonction publique d’Etat que dans le secteur privé, le phénomène est en revanche massif dans la fonction publique territoriale et hospitalière. Si personne n’ira s’en étonner à l’hôpital, le problème mérite objectivement d’être soulevé et approfondi pour les collectivités.
Vieux serpent de mer, la gauche et les organisations syndicales devraient s’en saisir dans un soucis contractuel donnant-donnant faisant évoluer un statut obsolète. C’est cette manière de faire qui peut mettre un terme à la paupérisation de secteurs entiers de la fonction publique tout en redonnant un sens aux agents du service public et aux usagers dont chacun(e) pouvait apprécier l’importance le temps d’un hiver covidé, applaudissant du balcon. Ne rien en dire laisse le champ libre à une démarche idéologique et brutale, menée par le gouvernement actuel.
Une approche qu’a choisi d’emprunter l’exécutif dans le cadre du projet de loi de finance (PLF) 2025 dont l’examen a commencé lundi.
En élève zélé du nouvel attelage, Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique justifie droit dans ses bottes, la suppression de 4000 postes d’enseignants, le gel du point d’indice des rémunérations et l’alignement du régime du public sur le privé en cas d’absences : 1,2 milliards à récupérer en instaurant trois jours de carences au lieu d’un et une baisse de l’indemnisation des jours d’absence à 90%. Les libéraux, toute honte bue, invoquent l’égalité de traitement si ce n’est l’équité entre salariés du secteur privé et du public. Il n’en est rien.
Pour une fonction publique peinant à recruter des travailleurs convenablement qualifiés, cette mesure est d’une incommensurable bêtise. Comparer de manière opportune privé et public est un leurre s’il s’agit d’une approche comptable ou alors, il conviendrait de réajuster les salaires du public sur le secteur marchand au moins partiellement, ce que ni M. Kasbarian, ni M. Barnier n’envisagent un seul instant.
La maltraitance au travail dans le secteur hospitalier, à l’école, dans la protection de l’enfance, pour ne prendre que les plus emblématiques et répertoriées, est une réalité désormais documentée, à l’instar de toutes les professions en contact avec le public, essuyant en première ligne une crise polyforme de la société, son cortège de brutalités et de violences.
C’est aussi le prix d’une politique irréfléchie, incapable d’envisager le moyen terme, une politique de recrutement efficiente et de qualité. En outre, la féminisation de la fonction publique y compris dans ses directions centrales et intermédiaires soulève la question nouvelle de l’endométriose, appréhendée dans d’autres pays de l’UE comme une difficulté scientifiquement établie. La France semble s’en exonérer une fois encore.
Ouvrir la discussion sur les dysfonctionnements de la fonction publique est toujours utile, encore faut-il le faire sans mépris, choisir son moment et préserver l’avenir. Stigmatiser plusieurs millions de salariés après une trajectoire financière défaillante relevant de la mauvaise gouvernance s’avère inique, stérile et inconséquent.