Le gouffre se creuse entre le « Sud Global » et l’Europe

par Malik Henni |  publié le 20/06/2025

La guerre déclenchée par les bombardements israéliens contre l’Iran, dont 90% des victimes sont des civils, rencontrent un écho défavorable dans l’ensemble des pays du sud. La différence avec le bellicisme de certains dirigeants européens saute aux yeux.

Le Global Times du 10 avril, une filiale du journal du Parti communiste chinois. (Photo Ichiro Ohara / The Yomiuri Shimbun via AFP)

Pour le rédacteur de la publication du quotidien algérien El Watan, la stratégie de Netanyahou est de « multiplier les massacres » pour « détourner l’attention », malgré l’opposition de 70% de sa population qui s’oppose à la guerre. Le Global Times chinois, la voix du Parti, est fidèle à la tradition de Pékin : non intervention, désescalade et dialogue. Ce ne sont pas « les frappes préventives » qui ont fait avancer la sécurité régionale mais bien « 13 années de négociations marathon » ayant abouti sur l’accord de 2015. Les Etats-Unis « doivent particulièrement prendre leur responsabilité » et faire entendre raison à Israël.

Son compatriote le South China Morning Post constate que cette guerre s’inscrit aussi dans la compétition sino-américaine, dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie. Un corridor ferroviaire de 10 400 kilomètres de Xi’an à Téhéran, en passant par l’Asie centrale, vient d’être finalisé pour contourner le détroit de Malacca et réduire les conséquences des sanctions occidentales entre les deux pays. L’intégration eurasiatique de l’Iran constitue une menace pour Israël et les Etats-Unis. Le russe Kommersant, la voix des milieux d’affaires, se fend d’une revue de presse des médias anglo-américains et espagnols sur l’éventualité d’une entrée en guerre des Etats-Unis. Sans doute le Jerusalem Post, journal israélien conservateur, a-t-il la meilleure grille de lecture : « Ces mouvements zigzag Trump – d’abord un appel à des négociations, puis une transition vers des attaques, puis un ultimatum et, enfin, une  » remise complète  » – ne sont pas seulement une manœuvre tactique ; c’est un besoin psychologique profondément ancré de contrôler l’agenda de l’information. »

En Turquie, Hürriyet, quotidien nationaliste proche d’Erdogan, commente les déclarations du Raïs sur la guerre. Pour le chroniqueur, contrairement à ce qu’affirme le président, le « plan sioniste n’est pas insidieux » mais parfaitement connu. Il craint qu’après « l’occupation et le génocide à Gaza sous le prétexte de l’attaque du Hamas, le massacre au Liban sous le prétexte du Hezbollah, l’occupation après le changement d’administration en Syrie et l’attaque contre l’Iran sous le prétexte du nucléaire », la Turquie ne soit la prochaine victime sur la liste de l’établissement d’un « Grand Israël ». Cet avertissement était déjà dans le discours d’Erdogan à la Grande Assemblée nationale le 1er octobre dernier.

En Europe, peu de journaux pointent le risque que fait peser l’absence de condamnation des frappes « préventives » israéliennes sur l’Iran par les Occidentaux : le Berliner Zeitung, équivalent du Parisien chez nous, dénonce une « double morale de l’Europe qui détruit sa crédibilité » et de rappeler une réalité : « Les spécialistes du droit international parlent d’une attaque illégale contre l’Iran, mais l’Europe se range derrière Israël ». Laissons le mot de la fin à Excelsior, principal journal mexicain, pour qui le départ précipité de Donald Trump du G7 augure des temps mauvais : « Le retrait de Trump du G7 pourrait marquer un nouveau tournant dans la diplomatie internationale, à un moment où l’équilibre des forces est redéfini entre les menaces, les alliances et l’ombre d’un nouveau conflit régional. »

Malik Henni