Le naufrage jusqu’où ?

par Boris Enet |  publié le 06/11/2024

Dans une vidéo Youtube, le guide suprême de la France Insoumise considère Donald Trump et Kamala Harris très proches idéologiquement. Une preuve ? L’un et l’autre «couvrent le génocide» à Gaza et «sont d’accord sur le capitalisme».

Capture d'écran d'une vidéo Youtube publiée le 5 novembre 2024 sur le compte de Jean-Luc Mélenchon

Non, il ne s’agit pas d’un jeune militant sorti de l’œuf contractant La maladie infantile du communisme, le gauchisme pour reprendre le titre de l’ouvrage léniniste. Pas davantage d’un mauvais étudiant d’histoire qui ne maîtriserait pas les concepts qu’il utilise.

Mais juste d’un leader populiste achevant sa trajectoire vers l’abîme.

Là où l’opinion démocratique mondiale et les gauches perçoivent la polarité déterminante d’un scrutin à dimension planétaire contre un homme ayant encouragé les émeutes sur le Capitole, les attaques récurrentes contre l’État de droit, la remise en cause de la démocratie parlementaire, en collision avec le dictateur Poutine, proférant des attaques sexistes et racistes d’une rare violence, Jean-Luc Mélenchon n’entrevoit qu’une mince différence entre les deux candidats : le positionnement sur le droit ou non à l’IVG.

Il n’est plus temps d’en rire ou d’en pleurer, mais d’acter l’extrême dangerosité d’un homme incapable d’identifier ce qui distingue une candidate assimilée au centre gauche dans la société américaine, au chevet d’une démocratie en danger et celui qui, par son comportement, ses dires et sa faconde menace ses institutions et les valeurs intrinsèques qui les fondent.

Ce qui permet à cet homme initialement de gauche de se salir de la sorte est d’abord son rapport à la démocratie, toujours secondaire, comme il le démontre régulièrement à la tête de son association ou dans ses prises de positions internationales, fasciné comme tout populiste par la verticalité du rapport direct entre le chef et les masses. Un anti Mendès France déclarant que « la démocratie est d’abord un état d’esprit ».

Cette nouvelle prise de position, qui devrait mécaniquement conduire à une rupture immédiate des formations de la gauche démocratique à commencer par le PS, avec la direction de LFI, ne souffre d’aucune sénilité. Elle rappelle la triste consultation dont s’était prévalue la FI au second tour de la présidentielle de 2020 afin de choisir entre l’abstention et le vote contre l’extrême-droite.

Au fond, le récit de Mélenchon revient toujours à relativiser davantage ce qui distingue l’idéologie de l’extrême-droite, des courants démocratiques. Il l’assume lorsqu’il commente les élections outre-Atlantique qui conditionnent pratiquement l’avenir de la résistance ukrainienne, il en fait de même au palais Bourbon lorsqu’il autorise les voix de son groupe à se mêler à celles du RN pour déshabiller l’Europe financièrement. Pas encore au bout de sa perdition, Mélenchon confesse que dans un swing state, il irait du bout des lèvres déposer un bulletin Harris dans l’isoloir mais que, partout ailleurs, il se porterait sur la candidature de Jill Stein, écologiste dont il juge la position décroissante compatible avec les siennes.

Toute honte bue, il aurait pu ajouter – comme Joseph Staline en 1932 sur la situation allemande – que « la social-démocratie et le fascisme sont deux sœurs jumelles ». Il en est là.

Nous lui répondrions que face à l’extrême-droite, quel que soit le lieu, l’alliance avec le diable et sa grand-mère, est un impératif politique et moral. Preuve en est, de nombreux électeurs sont allés voter insoumis face au RN au printemps dernier. Un mouchoir sur le nez.

Boris Enet