Le Premier ministre et la droite : je t’aime, moi non plus

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 13/12/2024

Les rapports entre François Bayrou et la droite ont toujours été compliqués. Le Béarnais est trop rebelle pour être de cette famille.

Le président de l'UDF, Valéry Giscard d'Estaing et le secrétaire général de l'UDF François Bayrou, en campagne pour le "oui" au référendum de Maastricht, le 22 juillet 1992, à Paris. (Photo PATRICK HERTZOG / AFP)

« Si nous pensons tous la même chose, c’est que nous ne pensons plus rien ! » lance le leader centriste, le 4 mars 2002, pour justifier sa première candidature à la présidentielle face à celle du chef de l’État sortant Jacques Chirac. Du pur Bayrou ! Toujours amateur de défi, ce rebelle à tout embrigadement ne s’est jamais laissé museler. Jusqu’à choisir parfois le camp d’en face, comme lorsqu’il a voté pour François Hollande en 2012. Cela laisse des traces.

Promis, juré, il n’est ni de droite, ni de gauche. Ce vrai centriste a inventé le macronisme avant l’heure. Pour les conservateurs classiques, un ovni. Ce « tradi » aurait pourtant tout pour couler des jours heureux dans un parti de droite : catholique pratiquant, 6 enfants et 21 petits-enfants, enraciné dans ses terres des Pyrénées atlantiques, modéré dans ses opinions, amoureux des lettres et de la terre, ce démocrate-chrétien n’avait pas le profil d’un trouble-fête. Et pourtant !

S’il a passé des moments heureux avec Raymond Barre (ils parlaient latin ensemble) et conçu une grande admiration pour Valéry Giscard d’Estaing, cela s’est gâté avec Jacques Chirac – l’Etat-RPR, très peu pour lui…- et carrément empiré avec Nicolas Sarkozy, véritable bête noire de François Bayrou. Dans le pamphlet qu’il a consacré au successeur de Chirac, « Abus de pouvoir », il le qualifie d’« Enfant barbare » et le pourfend avec un talent qui rappelle celui d’un certain « Coup d’Etat permanant ». La scène qu’il raconte d’un Sarkozy fêtant sa victoire au Fouquet’s entouré des « forces de l’argent » est savoureuse. Et significative de sa détestation pour un certain establishment « bling-bling ».

Il n’aime pas les privilégiés et les humiliations qu’ils infligent. Lui, le petit provincial qui conduisait son tracteur le jour de la mort de son père agriculteur, n’aime pas Paris et ses codes mondains. Il n’apprécie pas plus l’injustice. C’est pourquoi imposer les plus fortunés ne le choque pas, de même que préserver les retraites des plus précaires. Il ne s’est jamais gêné pour exprimer son opinion, même quand elle gênait. Y compris avec Emmanuel Macron.

Cet avocat de la « réconciliation », qui joue volontiers les frondeurs, horripile certains élus de son supposé camp. Nicolas Sarkozy n’a jamais digéré qu’il contribue à sa défaite de 2012. Les libéraux lui reprochent son immobilisme au ministère de l’Éducation et sa cogestion avec les syndicats. Les élus se méfient de son caractère imprévisible. Son groupe parlementaire du Modem n’a-t-il pas voté avec le NFP des mesures taxant les superprofits ? Incontrôlable, on vous dit…

Le maire de Pau, en entrant à Matignon, a toujours l’Élysée en ligne de mire. Les présidentiables de droite l’ont donc à l’œil. S’il parvenait à pratiquer le « en même temps » raté par Macron, il deviendrait dangereux. Ils chercheront à le neutraliser. Allez savoir… Il pourrait proposer des idées qui plaisent trop à la gauche.

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse