Le symptôme populiste en route contre les ZFE

par Boris Enet |  publié le 09/04/2025

À 11 mois des municipales, une majorité de la classe politique a retrouvé ses vieilles habitudes à l’occasion du débat pour la suppression des zones à faibles émissions de particules (ZFE).

À Lyon, le 1er août 2024. (Photo de Matthieu Delaty / Hans Lucas via AFP)

Acheter des voix sur le dos de l’impérieuse bataille pour l’environnement est une pratique hexagonale répandue, même lorsque l’argument d’autorité des gueux contre les bobos urbains est un peu esseulé. La réalité est plus terne. Sur l’autoroute révisionniste de la réalité du réchauffement climatique initiée par le clan d’aliénés de la Maison Blanche, les droites réactionnaires du vieux continent ont embrayé. Guerre en Ukraine, asphyxie des commerçants des centres-villes, « séparatisme social », crise financière, tout ou presque a été entendu. La lutte pour l’écologie ne doit pas être « punitive » à l’instar de ceux qui défendent une laïcité « inclusive » pour mieux masquer leur distance avec la laïcité.

Ceux qui se sont réveillés ces derniers mois pour ranger sur le bas-côté cet engagement européen, conditionnant le déblocage de près de 3 milliards de fonds communautaires pour 2025 – selon la direction du Trésor – ne sont pas forcément les moins fortunés. Mais ces péri-urbains conservateurs, soucieux de leur réélection et relayés par un large spectre parlementaire, se drapent dans la défense des petites gens pour les enfumer.

Trémolos dans la voix pour commenter la sévérité des tempêtes hivernales ou les inondations du bassin méditerranéen, le statu quo demeure confortable, quitte à manier la malhonnêteté. Sur les 43 métropoles concernées, la mise en place de ces ZFE devant restreindre la circulation de véhicules Crit’Air 3 à 5, ressemblait davantage à une recommandation temporaire qu’à une injonction donnant droit à sanction. Qu’importe, ces bobos prétendument riches, hédonistes, coupés des réalités, sont désignés à la vindicte populaire. Ils vivent pourtant dans des surfaces souvent plus modestes, ne rechignent pas forcément à la verticalisation pour sauver des terres agricoles et acceptent en conscience les transports collectifs aux heures de pointe.

Ces ZFE initiées en 2019, étendues en 2021 n’étaient pas la panacée de la lutte contre le réchauffement climatique, mais elles avaient plusieurs vertus : amorcer le changement des modes de vie parallèlement à la prise de conscience environnementale, diminuer les émissions de particules fines (48 000 décès annuels selon Santé Publique France) touchant d’abord les milieux les plus déshérités, susciter des politiques publiques en faveurs des mobilités décarbonées et gratuites, comme à Montpellier, au bénéfice de la santé.

La droite, souillée par l’extrême-droite, a sauté sur l’occasion pour opposer croissance économique et progrès environnemental comme elle le fait traditionnellement. Elle trouva dans sa quête une partie de la gauche…écologiste ou communiste pour lui servir de porteur d’eau pour une énième déconvenue idéologique. La loi Climat et Résilience de 2021 est dépouillée au bénéfice des « gueux », prétend Alexandre Jardin : 3 millions de véhicules parmi les plus polluants vont donc reprendre du service. Les alvéoles pulmonaires des braves gens emplis de particules fines auront au moins la satisfaction de décéder, sans n’avoir rien céder aux bobos des centres urbains.

Un autre débat aurait pu advenir avec un personnel politique dédié à l’intérêt général. La lisibilité de la mesure, l’homogénéité des décrets municipaux, la qualité de l’aide au changement de véhicule pour les moins fortunés, la progressivité des mesures, le nombre de bornes électriques… Mais non. Le pays des gaulois réfractaires, bénéficiant d’un prix de l’essence minoré par la politique trumpiste pourra doctement continuer à s’en mettre plein les poumons.

Il n’y a pourtant aucune échappatoire pour le devenir de l’Humanité, majoritairement urbaine. Le changement de paradigme devrait être porté par la gauche des Lumières. L’effort coûtera à tous. Qu’il soit naturellement réparti en fonction des richesses ne retire rien à son inéluctabilité, d’autant que, plus le délai s’allonge, plus la facture, humaine et sociale, sera lourde.

Boris Enet