Le triple échec de Mélenchon
Le cri de colère du leader de LFI contre François Hollande résulte de l’échec de sa stratégie, que l’ex-Président de la République souligne en affirmant que « les socialistes ont la clé jusqu’en 2027 ».
La fureur de Jean-Luc Mélenchon envers François Hollande n’a d’égale que la panique dans laquelle le plonge l’échec de sa stratégie politique. Dimanche 19 janvier, La France Insoumise a perdu haut la main l’élection législative de l’Isère face à la candidate soutenue par Gabriel Attal. Cette défaite ramène à 70 le nombre des députés LFI à l’Assemblée nationale, soit seulement quatre de plus que les 66 députés socialistes ; Jean-Luc Mélenchon sait surtout que cette élection avait valeur de test : investie par sa fédération locale, la candidate désignée par le Parti socialiste avait une bonne chance de l’emporter. Au terme d’un bras de fer où la direction nationale du PS avait plié, c’est le candidat LFI Lyes Louffok qui avait in fine obtenu de concourir.
Sa défaite cinglante face à une macronie pourtant chancelante témoigne à quel point Jean-Luc Mélenchon a perdu la main. Le même jour, à quelques heures du résultat, il est sur RTL pour insulter copieusement François Hollande dont il dit qu’il a « trompé » tout le monde en 2012, y compris ses proches. Sarcastique, Ségolène Royal acquiesce.
En réalité, Jean-Luc Mélenchon ne se remet pas d’avoir été surnommé « Madame Irma », cette voyante qui se trompe sans cesse, par son ennemi de trente ans dans la Tribune Dimanche. Il est tout aussi furieux d’apprendre que François Hollande a négocié en direct par téléphone avec François Bayrou pendant les fêtes. « Il y a eu une double négociation », accuse-t-il, pour ajouter : « je ne crois pas que le PS soit rallié (…) Pour monsieur Hollande, ancien président de la République et sans doute candidat à la prochaine, monsieur Macron doit rester jusqu’en 2027 ».
Jean-Luc Mélenchon subit là un triple échec : électoral car son candidat désigné n’a pas fait le poids pour remporter une législative partielle symbolique ; stratégique car François Hollande s’affiche comme le deus ex machina qui a obtenu du groupe socialiste le refus de voter la censure et placé le PS en position charnière jusqu’en 2027 ; personnelle parce que, pour la première fois, son allié Olivier Faure a refusé de jouer la partition qu’il lui avait dictée. Sur les trois sujets, électoral, stratégique et tactique, Jean-Luc Mélenchon est en déroute, lui qui avait théorisé le chaos et prédit la démission d’Emmanuel Macron le 16 janvier.
Au lieu de cela, tout le contraire est advenu : le vote du groupe des députés socialistes contre la censure permet l’ouverture de discussions jusqu’à la fin du mois de mai avec les partenaires sociaux sur les retraites, la meilleure façon pour le gouvernement Bayrou d’étirer le temps, à minima jusqu’à l’échéance d’une possible prochaine dissolution, voire, si tout se passait au mieux, jusqu’à la présidentielle prévue en 2027.
« Il finira tout seul », a dit samedi Olivier Faure de Jean-Luc Mélenchon, lui déniant au passage le titre de chef du Nouveau Front Populaire, une coalition qui n’avait pas de tête.
Après plus de six années où il avait pu asseoir sa domination sur la gauche grâce à son score à l’élection présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon risque de se retrouver démonétisé, incapable de rassembler et de peser comme il le souhaiterait sur le cours des évènements. L’échéance de 2027 est pour lui un cauchemar, tant elle paraît lointaine à l’homme politique le plus détesté de France.
Pendant ce temps, François Hollande trace un chemin pour que la gauche sociale-démocrate se prépare jusqu’en 2027. Il appelle à un congrès du Parti socialiste en 2025, qui détermine le profil d’un candidat à la présidentielle et s’élargisse à Place Publique de Raphaël Glucksmann, à la Convention de Bernard Cazeneuve, aux radicaux de gauche, aux macronistes déçus dont le nombre ne cesse de croître et à ceux qui à droite de LFI ne se reconnaissent plus dans leur chef, Jean-Luc Mélenchon. « En 2027, il y aura deux offres à gauche. Ça s’est toujours produit ainsi », assure François Hollande. C’est à présent celle de la social-démocratie qui prend le pas sur celle des Insoumis.