Le va-tout du PS

par Valérie Lecasble |  publié le 27/10/2025

A force de mettre la pression, il agace toutes les oppositions : les droites RN et LR, et la gauche LFI. Mais en multipliant les revendications, le Parti socialiste se pose en force centrale de progrès autour de laquelle peut se préparer une recomposition du paysage politique.

Les députés socialistes Olivier Faure (Premier secrétaire du Parti socialiste) et Boris Vallaud (Président du groupe) examinent en séance publique la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (PLF 2026) à l'Assemblée nationale, le 24 octobre 2025. Débat général. (Photo : Amaury Cornu / Hans Lucas via AFP)

Vus de loin, ils sont exaspérants. Accrochés à leurs exigences, ils ne veulent rien lâcher.
Ils avaient pourtant remporté leur victoire politique, en obtenant la suspension de la réforme des retraites. L’honneur était sauf : grâce à eux, 3,5 millions de personnes allaient bénéficier plus tôt d’une retraite méritée.

Mais à peine les discussions sur le budget redémarrées, voilà que les socialistes renouvellent leur chantage. Qu’importe, affirment-ils désormais, la suspension de la réforme des retraites, s’ils n’obtiennent pas la taxe Zucman ou son équivalent, soit un impôt sur les plus riches contribuables. Dans ce cas, ils censureront, car c’est le prix à payer pour le budget juste qu’ils réclament. La menace est imminente : faute d’une réponse d’ici la fin de la semaine, le gouvernement Lecornu sautera. Comme si au poker, ils avaient suivi la mise du gouvernement mais seulement pour voir si la suite du jeu peut leur convenir.

Exigeants mais pas kamikazes, ils ont cependant mis de l’eau dans leur vin. Après des semaines de débats publics, chez les Français et à la télévision, ils ont compris que la taxe Zucman, telle qu’énoncée par l’économiste devenu célèbre, n’est pas réaliste. Une imposition de 2 % y compris sur les biens professionnels de ceux qui possèdent plus de 100 millions d’euros peut mettre en danger l’avenir d’entreprises françaises, à commencer par des start-ups prometteuses qui ne pourront pas payer.

La démonstration étant faite, ils adaptent leur revendication et proposent une taxe de 3 % sur ceux dont le patrimoine est supérieur à 10 millions d’euros, en épargnant les entreprises familiales et les start-ups. Le gain pour le budget serait de 5 milliards au lieu des 15 à 20 milliards escomptés : ils ont coupé la poire en trois (ou quatre).

Réaliste ? Au fur et à mesure du déroulement de cet échange inédit sur le budget, on comprend que le Parti socialiste a deux objectifs : se situer au centre du jeu ; apparaître comme un parti de gouvernement. On n’abroge pas la réforme des retraites comme initialement envisagé mais on se contente de la suspendre ; on n’impose pas la taxe Zucman stricto sensu mais un impôt plus souple qui préserve les entreprises. Dans les deux cas, les socialistes tiennent le cap mais s’adaptent à la situation.

Et ça paraît fonctionner. « La poutre travaille », affirme le bloc central avec qui ils ont pris langue sous forme de conciliabules menés dans les couloirs avec Sébastien Lecornu et consorts en y incluant Gabriel Attal, des membres d’Horizons et du Modem. Les LR qui campent sur des positions plus raides se sentent floués et donnent de la voix pour clamer via Gérard Larcher qu’eux vivants, ils n’accepteront jamais la suspension de la réforme des retraites.

C’est un coup de poker : sans LR, le budget ne peut mathématiquement pas être adopté puisque le bloc central et la gauche n’atteignent pas ensemble les 289 députés nécessaires (sauf si les écologistes se joignent à cette alliance de circonstance, ce qui n’est pas sûr). À Sébastien Lecornu de trouver un projet assez bien ficelé pour ramener à lui au moins une partie des LR qui pourraient accepter de le voter. Un défi que le Premier ministre s’est dit capable de remporter, même si la voie est étroite : il faudra qu’il n’y ait aucune défection parmi les députés PS, mais aussi Renaissance, Modem et Horizons ce qui n’a rien d’évident tant les liens entre les uns et les autres sont distendus.

Pendant ce temps, le RN martèle qu’il censurera de toute façon et LFI clame que le PS s’enfonce dans la trahison. Il n’échappe pas au parti de Jean-Luc Mélenchon que le Parti socialiste s’est si bien affranchi de sa tutelle qu’il travaille désormais à une configuration politique alternative au Nouveau Front Populaire où il n’aurait plus besoin des Insoumis.
Il aura donc fallu attendre l’exaspération provoquée par les outrances de Jean-Luc Mélenchon puis la bonne entente entre Olivier Faure et Sébastien Lecornu pour que le Parti Socialiste consente enfin à retrouver le chemin d’une politique de gauche réaliste. Ce n’est pas le moindre enjeu de la tentative de compromis sur le budget qui se joue aujourd’hui.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique