Le Who’s Who des chevaliers de la Table Ronde

par Thierry Gandillot |  publié le 20/12/2024

Le manuscrit sommeillait dans les réserves de l’Arsenal. Les éditions du Seuil en ont fait un magnifique volume enluminé qui est l’encyclopédie de la légende du roi Arthur.

Un des chevaliers, Ségurant Le Brun et le blason du roi Arthur.

Si l’on vous demande les noms de quelques chevaliers de la Table Ronde, combien pouvez-vous en citer ? Arthur, Lancelot du Lac, Perceval le Gallois, Tristan, Galaad, Gauvain … Mais qui connaît Mandin l’Envoisie, Palamède le Païen, Arphasar au Gros Cœur, Dodinel le Sauvage, Courant de Roche Dure, Le Brun sans Joie, Mélios le Beau Chanteur, Calamor le Bouillant, Nabon le Félon, Lupin des Croix ?

Et d’ailleurs combien étaient-ils vraiment ces chevaliers qui ont juré de conquérir Graal ? Douze, comme les Apôtres, ainsi que les représente une gravure du Cycle Vulgate, enluminé par Evrard d’Espinques au XVème siècle ? Vingt-quatre comme dans la Compilation arthurienne de Michel Goneau enluminée par le même ? Cent cinquante ? Emanuele Arioli, archiviste-paléographe et maître de conférences en langues et littératures médiévales à l’Université des Hauts-de-France, opte pour ce dernier chiffre. Certains jouent les premiers rôles, d’autres ne font que passer.

La magnifique édition richement illustrée que présente Arioli se fonde sur le manuscrit 4976, lequel sommeillait dans les réserves de la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris. « Cette encyclopédie arthurienne, unique en son genre et demeurée ensevelie cinq siècles, retrouve enfin la lumière, écrit Arioli dans sa longue préface. Il s’agit d’une formidable porte d’entrée pour découvrir la légende du roi Arthur et le monde des chevaliers de la Table Ronde. Ce livre qui a fait rêver le Moyen Âge fascine encore en nous plongeant dans l’univers merveilleux de la Table Ronde. »

Ce manuscrit, exécuté sans doute entre 1490 et 1500, a appartenu à Marie-Antoinette comme l’indique la reliure qui porte ses armes. L’auteur en serait Jacques d’Armagnac (1433-1477), duc de Nemours, comte de Pardiac et vicomte de Carlat (à l’est d’Aurillac dans le Cantal). Ce grand collectionneur de livres fut aussi le commanditaire des plus beaux manuscrits arthuriens du XVème siècle. En outre, l’auteur dit l’avoir rédigé « dans le langage grossier et rude des montagnes de Carlat », ce qui est une façon de signer son œuvre.

Chaque chevalier y est décrit comme si l’auteur répondait à une grille de description ou à un questionnaire précis. D’où vient-il ? Quelle est sa lignée ? Quel degré de parenté présente-t-il avec d’autres personnages du cycle ? Puis, l’auteur décrit son physique dans le détail : taille, cheveux, teint, forme du visage, épaules, bras, mains, torse, jambes, cuisses … « La description de leur corps est si méthodique qu’on a l’impression de les avoir en chair et en os devant nous, de les connaître de manière intime », admire Arioli. L’exemplaire extrêmement soigné de Marie-Antoinette a ceci d’exceptionnel que « dans ses somptueuses enluminures, l’artiste a donné un visage a chaque héros arthurien, une incarnation puissante pour faire jouer chaque personnage dans le théâtre de notre imagination. »

Ainsi apprenons-nous qu’Arthur était très grand, admirablement beau, avait les cheveux très blonds, des yeux verts et rieurs, le teint sanguin, des mains blanches comme neige, de longs doigts assez épais et de longs pieds cambrés. Qu’il avait bon appétit, mais sans abuser, et diluait fortement son vin dans l’eau. Il disait que nul chevalier n’est capable de grands exploits s’il n’aime d’amour.

Les Chevaliers de la Table ronde, d’Emanuele Arioli, Édition Le Seuil, 33 euros

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture