L’enfer des bagnes pour enfants 

par Alfred de Montesquiou |  publié le 26/07/2025

Belle-Île, retraite quasi paradisiaque des vacanciers heureux au large de la Bretagne, recèle un passé bien sombre, que retrace une BD historique sur l’enfance sacrifiée des orphelins et petits criminels en maison de correction de la République. 

"Enfermé, Mathurin Reto, pupille à Belle-Île", de Julien Hillion et Renan Coquin, éditions Dargaud

Volontaire et intrépide, Mathurin Réto grandit à Saint-Malo dans les années 1900. Orphelin de mère, délaissé par son père, il s’embarque comme mousse sur un bateau de pêche au large de Terre-Neuve, avant qu’un petit délit le conduise en maison de correction. Cette colonie pénitentiaire située à Belle-île-en-Mer, à côté de la forteresse construite par Vauban, est un véritable bagne pour enfant. Mathurin y découvre les brimades, une discipline sadique et, à plusieurs reprises, le cachot. 

Mais l’adolescent refuse et résiste. Il va, par deux fois, parvenir à s’évader. Repris par la police, livré à ses tortionnaires de l’institution de la Haute Boulogne, il est remis pour un mois cachot. Réto va y mourir de ses mauvais traitements en 1911, déclenchant un début de scandale régional – sinon national- pour dénoncer le sort réservé aux enfants. Vingt ans plus tard, la grande révolte puis évasion des petits enfermé sera immortalisée par le poème « La Chasse à l’enfant » de Jacques Prévert, qu’évoque également le récit poignant de Sorj Chalandon, L’Enragé, en 2023. 

Évoquant le même sombre passé de la République en bande dessinée, L’Enfermé ne fait ni dans la poésie ni dans la fiction romanesque. Ici, tout est vrai. Les péripéties, les aventures et misères du jeune miséreux, dignes des pires pages de Dickens, recèlent une précision historique glaçante, que conclut une archive : le véritable acte de décès de Mathurin Réto, âgé de 17 ans … 

Docteur en Histoire, l’auteur Julien Hillion, spécialiste des colonies pour mineurs, offre ainsi un scénario d’une grande précision qui fait mieux comprendre les mécanismes de violence d’une institution sensée aider les enfants. Récit que le dessin de Renan Coquin accompagne avec éclat. Un trait rugueux, des ambiances ternes ou brumeuses, disent à eux seuls la rudesse de l’univers carcéral, tandis que les paysages maritimes contrastent avec les murs austères de l’institution, pour mieux souligner l’étau qui se referme sur les personnages de cet enfer inventé par l’homme dans ce petit recoin de paradis bucolique et sauvage 

Enfermé, Mathurin Reto, pupille à Belle-Île,  de Julien Hillion et Renan Coquin, éditions Dargaud, 128 pages, 28€

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Alfred de Montesquiou