L’équation pétrolière, cauchemar de Moscou
Dépendant de la rente pétrolière pour financer sa guerre, Vladimir Poutine subit la chute du prix du baril, conséquence de l’incertitude internationale créée par Trump. La Russie serait-elle enfin à bout de souffle ?
Illusion initiale… Après l’échec de la guerre éclair menée par la Russie contre l’Ukraine en février 2022, de nombreux experts pronostiquaient une fin rapide des hostilités du fait de la vétusté du matériel militaire russe et de l’affaissement de son économie, largement dépendante de la production et l’exportation d’hydrocarbures. Sous le poids des sanctions occidentales, la Russie devait se retrouver exsangue. Seulement trois ans après le début de cette guerre d’agression, l’économie russe renvoie le bloc occidental à ses propres illusions : la croissance en Russie aurait atteint 4,1% en 2024, selon les dernières estimations du Fonds monétaire international (FMI). Grâce son industrie de guerre, mais surtout à l’exportation d’hydrocarbures et à la flotte de plusieurs centaines de pétroliers fantômes qui transportent l’or noir.
La Chine, l’Inde et la Turquie absorbent les trois quarts de ces exportations, alimentant le trésor de guerre de Vladimir Poutine. Mais ils ne sont pas seuls, d’autres pays jouant le rôle d’interfaces pour le transbordement de produits pétroliers réexpédiés ensuite vers… l’Europe. Ainsi les recettes d’hydrocarbures couvrent l’effort de guerre. Un véritable pied de nez à l’Occident.
Dans ces conditions, même si les dépenses militaires et de sécurité absorbent jusqu’à 40% du budget de Moscou et représenteront cette année 8,7% du PIB russe selon Vladimir Poutine, la Russie en mode économie de guerre a pu faire preuve d’une résilience que l’Occident, dont l’influence s’érode, n’avait pas anticipé.
Mais le chef du Kremlin est trahi par son nouvel ami à la Maison Blanche. En semant le chaos dans les échanges internationaux et en introduisant le doute chez les opérateurs économiques, Donald Trump est à l’origine d’un reflux de la croissance mondiale, selon les projections d’avril du FMI. Le recul consécutif de la demande de pétrole engendre la baisse du prix du baril… descendu le 1er mai à 60 dollars pour le Brent de mer du Nord et même à 57 dollars pour la qualité WTI, soit 25% de moins depuis l’investiture du président américain, le 20 janvier dernier.
Dans ces conditions, la Russie doit réévaluer son équation économique. Non seulement elle est impactée par les prix internationaux des hydrocarbures, mais la production serait en baisse de 5% sur un an, estime l’agence Bloomberg, entraînant un manque à gagner du budget fédéral sur les taxes perçues sur les compagnies pétrolières. Selon la revue Le Grand Continent, l’année 2025 pourrait même être la première au cours de laquelle les recettes tirées du pétrole et du gaz ne couvriront plus les dépenses militaires.
D’autres paramètres perturbent le plan de marche élaboré par le président russe : le manque de main d’œuvre dû à la mobilisation de nouvelles recrues sous les drapeaux et aux nombreuses victimes de guerre ou l’impossibilité de rapatrier les avoirs russes gelés en Europe, ou encore son exclusion des circuits financiers internationaux… Malgré tout, la Russie pourrait compter sur une croissance de 1,5% de son PIB cette année selon le FMI. Une croissance finalement du même niveau que la moyenne des économies dites avancées (États-Unis, Europe, Japon…), mais beaucoup plus fragile. Et insuffisante pour éviter un déficit budgétaire de l’ordre de 1,7%, selon le ministère russe des Finances.
L’évolution du prix du baril pèsera lourd pour Vladimir Poutine. Mais ses intérêts rejoignent finalement ceux de Donald Trump qui, compte tenu du coût élevé de l’extraction du pétrole aux États-Unis comparativement au Moyen Orient, ne peut non plus se permettre de laisser longtemps décliner le prix du baril. D’autant que la signature d’un accord entre les États-Unis et l’Ukraine pourrait encore rebattre les cartes.