Les archéologues contre Dati
L’archéologie française est en colère. Elle s’est mobilisée jeudi 12 juin pour dénoncer les menaces qui pèsent sur ses missions et se fera entendre ce week-end lors des journées européennes.

Qui veut enterrer l’archéologie préventive ? Loin des fouilles romaines ou hellénistiques, l’Institut nation l’archéologie et les prospecteurs privés travaillent sur le territoire national pour déterrer, examiner, étudier et archiver le passé du sous-sol français. L’an dernier, la ministre de la Culture, avait déjà suscité l’inquiétude en déclarant qu’« il ne fallait pas faire un trou pour le plaisir de faire un trou ». Aujourd’hui les menaces se précisent.
L’archéologie préventive ? C’est la détection et l’étude des sites découverts lors des chantiers de construction, avant que les travaux ne viennent empêcher toute recherche. Or, cette mission de service public est mise en danger par deux éléments qui surviennent dans un contexte de baisse des dépenses : un amendement Horizon et un siphonnage de leur ressource propre.
Quatre députés du groupe d’Édouard Philippe ont en effet déposé un amendement à la loi de « simplification de la vie économique » pour augmenter le nombre de chantiers qualifiés de « projet d’intérêt national majeur », les exonérant ainsi de toutes fouilles préventives. Le Gouvernement a déposé un amendement de retrait mais chat échaudé craint l’eau froide : la sous-direction de l’archéologie du Ministère de la Culture a défini dans plusieurs « notes de cadrages » depuis janvier pour restreindre les prescriptions de diagnostics sur certains types d’aménagement. Cela reviendrait à assécher le nombre de fouilles effectuées au détriment des CDD et des vacataires dont plusieurs contrats n’ont pas été renouvelés depuis le début d’année.
Les archéologues dénoncent également le détournement d’une partie de la taxe et de la redevance préventive dont 30% des ressources, soit environ 45 millions d’euros par an, sont affectés au budget national de l’État. Cela revient à augmenter les délais d’attente pour les fouilles, dans un contexte d’augmentation générale des prix : les tractopelles, les engins de chantier et de déblayage coûtent chers. Ils réclament le retour dans le budget de l’archéologie de ces ressources propres.
Si l’amendement est adopté, les « projets nationaux majeurs », mis en chantier sans fouille préalable, se multiplieront. Or le code du patrimoine est très clair sur une éventuelle découverte qui surviendrait ensuite : il faudra interrompre les travaux. « La fouille va venir en plein milieu des travaux et ça ne serait plus seulement à la charge de l’aménageur mais aussi de l’Etat car cela serait une découverte exceptionnelle », explique Virginie Decoupigny, co-secrétaire générale du syndicat CGT des archéologues. Conséquence : une hausse des dépenses publiques, un retard dans les chantiers, un sinistre social. Ce qui pourrait creuser la tombe de l’archéologie préventive. A l’heure où le passé fantasmé menace la science archéologique, les intéressés ne manqueront pas de s’exprimer lors des journées européennes de l’archéologie qui se tiennent ce week-end.