Les chances de Mayer-Rossignol
Le maire de Rouen mène une coalition sociale-démocrate qui s’est accordée pour battre Olivier Faure resté seul sur une ligne politique plus à gauche. Mécaniquement, il devrait arriver en tête lors du vote des militants le 27 mai. Reste Boris Vallaud.
Une coalition menée par Nicolas Mayer-Rossignol qui embarque dans son sillage Hélène Geoffroy et Philippe Brun(1) et aussi Carole Delga et Karim Bouamrane s’élance donc à l’assaut du poste de Premier secrétaire du Parti socialiste qu’occupe Olivier Faure depuis 2018. « Changer pour gagner » titre le texte qui étaye son offensive. Un rejet clair et ferme du populisme de Jean-Luc Mélenchon, une union de gauche qui s’appuie sur la convergence des idées plutôt que sur les alliances électorales, et qui défend une France et une Europe fortes face aux dangers du monde : une ligne sociale-démocrate, voire sociale-écologiste, à l’image de celle qu’avait défendu avec succès Raphaël Glucksmann lors des élections européennes.
Elle se veut aussi populaire pour réduire les fractures de la société dans les domaines clés de l’éducation, la culture, la santé, le logement, et la régulation du numérique. Elle prévoit la création d’une « Grande Sécu » qui instaure une complémentaire obligatoire d’assurance maladie. Et elle cherche à régler les questions de pénibilité et des pensions des femmes, toutes deux bafouées dans la réforme des retraites de 2023 mais sans pour autant réclamer le retour à l’âge légal de 62 ans.
C’est donc une gauche engagée, et mesurée, capable de gouverner qu’il s’agit de remettre en selle. Pour battre l’extrême-droite, le texte de la motion va jusqu’à la défier sur son propre terrain, promettant de « bannir l’insécurité » et de redonner au travail sa place fondamentale. Avec ses 122 parrains et le soutien de 50 parlementaires, la coalition affiche la force de l’union et part favorite pour décrocher le 27 mai le meilleur score parmi le vote des 20 à 25 000 militants qui éliront le nouveau Premier secrétaire du parti socialiste.
En face, les proches d’Olivier Faure n’ont pas dit leur dernier mot. Ils revendiquent 150 parrainages et l’adhésion de 58 premiers fédéraux ainsi que le soutien de 60 parlementaires. Ils insistent sur leur volonté de rassembler tous les militants du parti et sur le ralliement à leurs idées du président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel, ou de Martine Aubry et de Jean-Marc Ayrault. Ils affirment avoir récupéré les fédérations de la Réunion, de la Creuse et des Deux-Sèvres, soit quelques mille adhérents supplémentaires. Ils évoquent aussi le renouvellement de génération au sein du Parti socialiste et défendent une ligne plus à gauche que celle de leurs opposants en laissant de la place aux écologistes même proches de LFI, et aux communistes ainsi qu’à une candidature unique à la présidentielle à l’issue d’une primaire qui s’étendra de « Ruffin à Glucksmann, pour tirer les autres forces politiques et être présents au second tour ».
Nicolas Mayer-Rossignol face à Olivier Faure : sur le papier, c’est le remake du congrès de Marseille il y a deux ans, quand les deux mêmes s’étaient écharpés jusqu’à ce que l’un attaque l’autre en vain et lui conteste une victoire qui lui aurait été volée. Tout ça pour de nouveau se fracturer ? Dans la réalité, la donne a changé. Cette fois, les opposants à Faure ne sont plus en ordre dispersé mais ils se sont rassemblés jusqu’à présenter une direction collégiale qui, outre Nicolas Mayer-Rossignol compte aussi Hélène Geoffroy et Philippe Brun, une affiche plus forte dans l’union.
Et surtout, Boris Vallaud s’est affranchi d’Olivier Faure pour déposer tout seul une motion et se confronter au vote des militants : s’il recueillait entre 15 et 20 % des voix, ce qu’il espère, ce serait autant de votes en moins pour son camarade Faure, qui serait alors disqualifié pour l’emporter.
Ceci à deux nuances près : la première est l’incertitude qui demeure sur le choix de Boris Vallaud lors du second tour de scrutin du congrès début juin qui élira par vote direct le Premier secrétaire du parti socialiste. Faiseur de roi, il peut rester seul ou se rallier à Mayer-Rossignol, ou à Faure.
L’autre surprise peut venir de la situation politique où Olivier Faure, à la faveur du collectif budgétaire, de l’affaire Betharram, ou du budget 2026, pourrait brandir de nouveau une menace de censure. Histoire de prouver qu’il représente « la vraie gauche », contrairement aux sociaux-démocrates « vendus » à la ligne pro-Macron. Les pièces du puzzle se mettent peu à peu en place mais le tableau reste à finaliser. Du 26 avril au 27 mai, la campagne des candidats à la tête du PS entre dans le dur. Un combat à couteaux tirés.