Les coups de rabot creusent la dette

par Gilles Bridier |  publié le 07/01/2025

Le nouveau duo de Bercy promet plus d’équité fiscale, mais sa stratégie de réduction des dépenses est douteuse.

La Ministre en charge des Comptes publics, Amélie de Montchalin, sort du premier Conseil des Ministres depuis la nomination du gouvernement, à l'Elysée le 3 janvier 2025. (Photo Mathilde Kaczkowski / Hans Lucas via AFP)

L’argent n’est pas magique. Les coups de rabot non plus. Voilà des lustres que les politiques budgétaires procèdent par recalibrage des postes de dépenses, rognant ici et là pour tenter de compenser les dépenses nouvelles. La méthode est à bout de souffle. Les marges de manoeuvre sont inexistantes et les déficits s’accumulent. 

Sans même songer à d’improbables excédents budgétaires, la France est maintenant abonnée aux déficits qui excèdent les 3% de PIB de référence. Certes, il y eut 2020, l’année noire de la Covid. Mais même pour les budgets qui ont suivi, les déficits ont oscillé entre 4,7% et 6,6%, selon l’Insee. Avec un surprenant plongeon dans le rouge à 6,1% de PIB pour 2024. Et pour 2025, pas de miracle attendu. 

Amélie de Montchalin, la nouvelle Ministre des Comptes publics, ambitionne juste de parvenir à un déficit qui « n’excède pas significativement les 5% ». Pour y parvenir, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, vise autour de 50 milliards d’euros d’économies. Quelque 10 milliards de moins que le projet de budget légué par leurs prédécesseurs. Mais bien que tous deux se défendent de vouloir procéder à l’aveugle par des coups de rabot systématiques, l’absence de majorité sur laquelle s’appuyer à l’Assemblée nationale semble d’ores et déjà leur interdire toute grande mesure phare qui, nécessairement, risquerait de déclencher une nouvelle censure du gouvernement.

Des économies toujours douloureuses

Mais quelles économies ? Le gouvernement Barnier en avait retenu un certain nombre, pour un total de 41,3 milliards d’euros. Certaines sont d’ores et déjà dépassées, comme le report au 1er juillet de l’indexation des retraites, ou contreproductives, comme la baisse des aides pour l’achat de véhicules électriques (votée en décembre) et MaPrimeRenov. Les économies envisagées en matière d’assurance chômage et de politique de l’emploi semblent bien mal engagées, compte tenu de la multiplication des plans sociaux.

Pour faire bonne mesure, le précédent gouvernement avait identifié 19,3 milliards de hausses de recettes, comprenant, entre autres, une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des très grandes entreprises, une hausse de la fiscalité sur les 0,3% de ménages aux très hauts revenus, une taxe sur les billets d’avions, une hausse des accises sur l’énergie… Ces dispositions ne sont pas écartées. La fiscalisation des rachats d’actions reste aussi d’actualité pour les nouveaux locataires de Bercy, mais sa portée dans le précédent projet de budget était limitée. 

Là où le gouvernement Barnier projetait un effort budgétaire de 60,6 milliards d’euros pour aboutir malgré tout à un déficit de 142 milliards, le gouvernement Bayrou se montre donc moins ambitieux. Et finalement, il aura quand même recours au rabot, ce qui augure mal du solde budgétaire en fin de course…

Car d’autres postes de dépenses se profilent. Par exemple, le projet de loi de finances de Michel Barnier prévoyait un budget de l’agriculture en recul de 4%. François Bayrou pourra-t-il résister à la pression exercée par le monde paysan? Au moment où l’Europe est contrainte de se réarmer face aux menaces qui planent sur l’Otan, la France pourra-t-elle supporter augmentation de son budget défense de 7% comme prévu dans la loi de programmation ? Pour soutenir la transition écologique, les énergies renouvelables et les nouvelles mobilités, une rallonge de 15% était programmée cette année par rapport à 2024. Est-ce suffisant pour compenser le retard dans l’éolien et le photovoltaïque? Quant au budget de l’Éducation nationale – premier budget de l’État -, le projet de Michel Barnier prévoyait une simple reconduction alors que l’enseignement est en tension perpétuelle. Quel sera son sort?  

On ne passera pas en revue, ici, l’ensemble des enveloppes budgétaires prévues par le précédent gouvernement, et qui vont être réévaluées et rediscutées par le gouvernement Bayrou. On retiendra seulement que la charge de la dette augmentera en 2025 de 3 milliards d’euros pour atteindre 55 milliards, absorbant d’autant les économies réalisées sur d’autres postes. C’est le piège de la dette ! 

On notera aussi la volonté exprimée par Amélie de Montchalin de «lutter activement contre les systèmes de suroptimisation fiscale et de fraude ». Une évidence peut-être, mais qui mérite d’être réaffirmée, à l’heure où, pour ne pas inciter certains à choisir l’exil fiscal, d’aucuns pourraient être incités à fermer les yeux sur les phénomènes d’optimisation.

Gilles Bridier