Les démocrates les plus bêtes du monde

par Boris Enet |  publié le 04/11/2025

La France a longtemps connu « la droite la plus bête du monde ». À l’aune du spectacle offert dans l’hémicycle pour le vote des amendements dans le cadre du PLF 2026, ce sont aujourd’hui les démocrates français qui concourent pour le titre…

Le banc des députés du groupe socialiste en présence d'Olivier Faure, premier secrétaire du parti socialiste, et Boris Vallaud, député et président du groupe socialiste, lors de la séance publique de suite du débat sur le projet de loi de finances 2026 au Palais Bourbon, le 03 novembre 2025. (Photo de Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP)

Si ces parlementaires de gauche, du bloc central et les derniers rescapés du gaullisme social prenaient seulement la mesure du péril qui les menace, ils cesseraient sur le champ les marchandages parfois irréels qu’ils conduisent à l’Assemblée. Une urgence s’impose face à toutes les autres : sauvegarder le parlementarisme et la légitimité de la démocratie représentative. Avec un bloc d’extrême-droite compris entre 40% et 43% selon les instituts et loin derrière, la France insoumise à 10%, il convient de préserver l’essentiel : une République fraternelle et une Europe qui serait balayée si par malheur les nationalistes venaient à l’emporter en France. C’était le sens de l’alerte publiée dans nos colonnes, comme un encouragement à en prendre toute la mesure.

Que LFI pratique le vote révolutionnaire en fort mauvaise compagnie, histoire d’accentuer le chaos, ne surprendra personne. Les derniers staliniens du 21ème siècle gardent les habitudes de ceux du 20ème. Mais pourquoi le Parti socialiste ne se rend-il pas à une réunion convoquée par le Premier ministre, à laquelle il est convié au même titre que l’ensemble des groupes parlementaires ? En quoi cela renforce-t-il la digue anti-RN, alors que les députés lepénistes représentent le quart des députés élus dans l’hémicycle ? Réduite à moins de 20% dans tous les sondages, la gauche de gouvernement ne peut s’offrir le luxe de la chaise vide, sauf à rendre sa stratégie de compromis illisible.

Le Parti socialiste a eu le mérite de présenter une orientation fiscale cohérente au sortir de son université d’été, actant la fin de sa cohabitation mortifère avec Mélenchon. Mais que propose-t-il pour contenir les dépenses ? La révolte anti fiscale est un levier classique de la droite française. Mais à l’opposé, la gauche peut-elle se permettre de rester muette sur les économies à effectuer lorsque le remboursement de la dette est devenu le premier poste de dépenses contraintes ? Avec le second taux de prélèvement de l’UE, juste derrière le Danemark et alors que ses services publics n’en finissent pas de dysfonctionner, la république mériterait des propositions audacieuses et des réflexions autrement plus ambitieuses qu’un piètre jeu tacticien. `

Celles de Rémy Goubert dont LeJournal.info s’est fait l’écho en sont un exemple parmi d’autres. La réforme d’un appareil bureaucratique pléthorique, territorialement inintelligible et économiquement paralysant est tout aussi légitimes. La gauche doit retrouver sa fonction historique : concilier création de richesses et redistribution émancipatrice.

Dans ces joutes budgétaires, pas un mot sur le financement de la transition écologique, pas une phrase sur le renforcement de l’industrie de défense en Europe face aux menaces des empires. Non, la gauche a choisi de se recroqueviller sur son pré carré. Ignore-t-elle qu’en 2027, en cas d’improbable victoire, elle serait contrainte d’équilibrer le système de retraite. Et comment le faire sans poser la question de l’âge moyen de départ ? N’aurait-elle pas dû se pencher sur la situation de la jeunesse estudiantine ou précarisée, en proposant d’investir dans une génération exposée à un mal être profond, qui se sent sacrifiée au bien-être des anciennes générations. ?

On présente souvent le débat des gauches comme l’éternelle opposition entre réforme et révolution, telle qu’elle se posait au sortir de la Première guerre mondiale. En vérité, ce débat n’est plus parce que ce monde n’est plus. Qu’une partie de la gauche l’entretienne de manière artificielle, la condamne à une marginalité durable. La gauche de gouvernement a désormais la mission historique de défendre la démocratie parlementaire et de sauver la construction européenne dont la direction politique s’apparente à une locomotive sans wagons. Sans cette victoire préalable, tout le reste est vain.

Boris Enet