Les Gafam, puissances nucléaires

publié le 17/06/2025

Après s’être ralliés à Donald Trump dès sa réélection, les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – sont entrés dans une nouvelle croisade : la relance mondiale de l’énergie nucléaire.

par PASCAL GALINIER

La centrale nucléaire de Three Mile Island, fermée, le 10 octobre 2024, en Pennsylvanie. Constellation Energy, propriétaire de la centrale, prévoit d'investir 1,6 milliard de dollars pour rénover le réacteur, fermé il y a cinq ans, et le redémarrer d'ici 2028, après que Microsoft a récemment accepté d'acheter autant d'électricité que la centrale pourra produire pendant les 20 prochaines années pour alimenter son parc croissant de data centers. (Photo CHIP SOMODEVILLA / Getty Images via AFP)

Tandis que le nombre d’internautes ne cesse croître dans le monde, le tsunami annoncé de l’IA, cette intelligence artificielle dont on ne pourra plus se passer à terme, va aggraver la situation, en faisant exploser la consommation d’électricité.

Première victime de cette « révolution » : la lutte contre le réchauffement climatique, qui passe au second plan des priorités politiques. Les Chat GPT-4, Google Gemini, Perplexity, DALL-E vont devenir incontournables dans tous les secteurs. À commencer par la presse, comme en témoigne le nouveau système adopté par le site du quotidien Le Monde, qui expérimente Perplexity pour répondre aux questions de ses lecteurs en se plongeant dans les archives, les articles, les analyses, les enquêtes des journalistes du quotidien.

Ces innovations s’appuient sur une colossale puissance de calcul, qui génère un besoin d’énergie continue, de jour comme de nuit. « Une pollution cachée au cœur de l’innovation », alerte l’Institut Supérieur de l’Environnement. De fait, avec leurs algorithmes de plus en plus complexes, leurs data centers de plus en plus puissants, les géants de la tech se dotent d’une infrastructure lourde pour fonctionner 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. De véritables « usines » numériques grosses consommatrices d’énergie, ne serait-ce que pour refroidir en permanence les milliers d’ordinateurs qu’hébergent les centres de données.

Sur l’ensemble de la planète, on recense quelque 5 000 data centers de 9 000 mètres carrés en moyenne, abritant chacun une centaine de milliers de serveurs.

Ces millions de serveurs représentent à peu près 1% de la consommation d’électricité mondiale, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), mais avec l’IA, ce pourcentage pourrait être triplé d’ici 2030, atteignant l’équivalent de la consommation totale d’électricité du Japon dès 2025. L’impact sur le réchauffement climatique est tout aussi colossal. Google a reconnu une aggravation de 48% de ses émissions depuis 2019.

Les « ogres des données », comme les a baptisés Le Monde, sont donc partis à la chasse aux électrons « propres ». Dans leur ligne de mire : le nucléaire, dont on sait avec Jean-Marc Jancovici qu’il fournit de l’énergie climato-compatible, n’en déplaise à Marine Tondelier.

Le groupe Meta (Facebook, WhatsApp…) a signé début juin un contrat d’approvisionnement de vingt ans avec Constellation, le numéro un américain de l’énergie nucléaire.

D’une pierre deux coups. La centrale nucléaire de Clinton (Illinois), qui alimente en électricité 800.000 foyers depuis 1987 et était menacée de fermeture en 2017 après des années de pertes financières, va jouer les prolongations. De son côté, Meta se félicite d’« avoir accès à une énergie propre et fiable pour continuer à faire progresser [ses] ambitions en matière d’intelligence artificielle ».

En septembre dernier, Constellation a déjà annoncé qu’il envisageait de remettre en service d’ici 2028 une unité nucléaire à la fameuse centrale de Three Mile Island, en Pennsylvanie, pour fournir Microsoft en électricité. Ladite centrale avait connu le 28 mars 1979 un accident nucléaire sans précédent avec une fusion partielle du cœur d’un réacteur, comme à Fukushima en 2011. Une décision contre laquelle s’élève Jane Fonda : « C’EST UNE MAUVAISE IDÉE » a-t-elle écrit en majuscules sur Instagram, rappelant que le site recèle « des années de déchets radioactifs dont personne ne sait quoi faire ». Et de railler : « peut-être que les dirigeants de Microsoft devraient vivre à proximité s’ils sont si sûrs que c’est sûr ».
Avec l’IA, la guerre du nucléaire civil est relancée.