Les néo staliniens de LFI

par Boris Enet |  publié le 24/01/2025

Deux mois viennent de s’écouler depuis l’arrestation de l’écrivain franco-algérien. En refusant de voter une résolution quasi unanime du Parlement européen exigeant sa libération immédiate et sans condition, les députés Lfistes du groupe « The left », partagés entre opposition et abstention, se sont une fois encore discrédités.

Les députés européens ont voté le jeudi 23 janvier une résolution pour demander la libération de l’écrivain Boualem Sansal, incarcéré depuis la mi-novembre en Algérie: Rima Hassan vote contre, Manon Aubry s’abstient. (Photo by Bertrand GUAY / AFP 2024)

La sénatrice socialiste Laurence Rossignol évoque à raison les « nouveaux staliniens » pour caractériser les derniers votes honteux des élus de LFI à Strasbourg dont ceux de Rima Hassan et Manon Aubry. Comment réclamer l’indulgence pour les terroristes antisémites du Hamas, en dénaturant un conflit douloureux au cœur du Proche-Orient, tout en condamnant un esprit libre aux geôles d’une dictature qui ne dit son nom, sans ciller ? C’est l’attitude adoptée par six de ces députés européens, au mépris des libertés fondamentales et de l’histoire universelle des gauches démocratiques depuis deux siècles. Nous voilà revenus aux heures les plus sordides des perroquets de Moscou, lorsque le Komintern, son appareil policier international et ses militants zélés condamnaient aux fers, aux meurtres, tortures et persécutions, celles et ceux qui avaient le malheur de penser différemment du petit père des peuples ou en étaient seulement suspectés. 

De quoi renforcer l’effroi de millions de citoyens sincères, sympathisants de gauche ou simples démocrates, écœurés par les mœurs révoltantes de la garde prétorienne de Mélenchon. La police politique de la pensée condamne un romancier de 78 ans, à la santé fragile, citoyen français donc européen. Elle se ligue avec un pouvoir autocratique méprisant les Droits de l’Homme avec la même ferveur que Poutine lorsqu’il écourta la vie d’Alexeï Navalny. La même petite musique interdisait à ce groupe décidément si soumis de se joindre au concert de protestations contre un crime orchestré de longue date, relevant le déviationnisme coupable des dires et de l’œuvre de l’opposant au pouvoir du nouveau tsar.

Une dérive dans l’air du temps qui fait écho à l’intimidation physique interdisant de manifestation Raphaël Glucksmann le 1er mai dernier à Saint-Etienne, aux calomnies orchestrées et vexatoires à l’égard de Fabien Roussel – « Roussel n’est pas notre camarade » – en marge des manifestations parisiennes ou bien encore aux actes criminels visant les locaux du PS incendiés au cœur du Finistère, tagués par une inscription vengeresse de « social traître ». Et voici le recul grégaire de la pensée, hommage posthume à la pénétrante sentence de Staline : « La sociale démocratie et le fascisme sont des jumeaux ». Mais ce vote des députés de la FI à Strasbourg va bien au-delà du triste sort de Boualem Sansal. C’est le retour du temps béni de l’Inquisition, de celui d’avant les Lumières, et celui des dictatures, des fatwas, du procureur Vychinski. 

En ayant voté de la sorte, Rima Hassan et les siens ne se déshonorent pas seulement, une fois encore, quittant un peu plus les rives de la gauche universaliste. Ils montrent que, par-delà les parcours partisans, les erreurs, les raccourcis de jeunesse et les affres du temps, il n’y a pas d’avenir pour les sociétés humaines, pas de foi en un socialisme à visage humain, sans une exigeante et intransigeante défense des libertés fondamentales, à commencer par celle d’écrire.

Boris Enet