Les perroquets de Trump
La droite dure n’a pas de louange assez obséquieuse pour la puissance américaine. Pourtant les questions posées par l’opération de Donald Trump demeurent, tout comme les risques d’embrasement qu’elle fait courir au monde.

La force fascine toujours les esprits simples. Parce qu’il a donné l’ordre à son armée d’user de sa supériorité écrasante pour attaquer les installations nucléaires iraniennes, voici Donald Trump soudain promu au rang de génie stratégique par la droite identitaire et par les soutiens patentés de Benyamin Netanyahou, changés en perroquets du président américain.
Il est vrai que la performance technique de l’aviation américaine a quelque chose d’irrésistible : un vol de plus de 10 000 km, la pénétration furtive de l’espace aérien ennemi, l’absence de réaction visible des défenses iraniennes, la précision et la puissance des bombes utilisées : tout concourt à susciter crainte et admiration devant la puissance des États-Unis. Lesquelles d’ailleurs ne doivent pas grand-chose à Trump mais beaucoup à ses prédécesseurs (le programme de développement du bombardier B2 date de Jimmy Carter, un président généralement présenté comme indécis et pusillanime).
À tel point que l’élémentaire lucidité face à l’hubris de la force se dissout dans l’éloge de la technique. Du coup, ceux qui invoquent encore la diplomatie et les solutions négociées sont traités avec un mépris goguenard par les avocats énamourés des actions brutales. Les dithyrambes chantant la gloire de l’armée américaine font oublier les questions légitimes qu’on peut se poser quant à la pertinence de l’opération et à ses conséquences.
On dit qu’il fallait à tout prix annihiler le programme nucléaire iranien. Est-ce le cas ? Les trumpistes l’affirment, les mollahs démentent. Comme il s’agit d’une collection de menteurs patentés, il faudra d’autres sources pour en avoir le cœur net. Et s’il s’avère que l’Iran a préservé, au moins en partie, ses capacités nucléaires, on s’apercevra, mais un peu tard, que la voie de la négociation était somme toute plus sûre, dès lors que les inspecteurs de l’AIEA auraient récupéré l’accès aux usines d’enrichissement iraniennes.
On dit ensuite que le régime iranien est au bord du gouffre et qu’une pichenette supplémentaire suffira à le faire tomber. Si tel est le cas, bravo ! Mais est-ce si sûr ? Si Téhéran résiste, le gain de l’opération deviendra douteux, dans la mesure où ce gouvernement humilié tentera tout pour laver l’affront, dans un an ou dans cinq ans. Là encore, personne ne peut affirmer qu’une négociation menée avec vigueur aurait obtenu des résultats inférieurs.
On néglige enfin le risque d’embrasement général. Trump parle d’une attaque limitée, ponctuelle, couronnée de succès. Mais si l’Iran réplique en attaquant les intérêts américains, en bombardant les bases de la région ou en bloquant le détroit d’Ormuz, le même Trump lui promet l’apocalypse, c’est-à-dire une intensification de la guerre qui peut fort bien mener au chaos général.
Comme l’Europe ne dispose d’aucune force militaire tangible dans la région, comme elle ne possède aucun levier qui puisse influencer le comportement des acteurs du Proche-Orient, on affecte de trouver ses appels à la diplomatie dérisoires. Là aussi, c’est décréter qu’il suffit d’être le plus fort pour avoir raison et que la voix des moins puissants n’est que pépiement marginal. Pourtant les vieilles nations du continent ont assez éprouvé de malheurs en se vouant à la force, que leur parole vaut largement les tweets indigents de Donald Trump qui fascinent tant les adeptes de la droite dure.