Les populistes face à leurs contradictions

par Boris Enet |  publié le 28/12/2024

Alors que les courants nationaux populistes ont le vent en poupe, quels que soient les continents, il convient d’insister sur les contradictions inhérentes à ces formations, en matières économique et sociale. Comme à Noël, il y a toujours une dinde.

Marine Le Pen le 22 septembre 2022, Viktor Orban le 16 janvier 2024 et Giorgia Meloni le 20 juin 2023. (Photo AFP)

Quoi de commun entre le programme du RN, de Fratelli d’Italia, du Fidesz hongrois, du FPÖ autrichien, du Mouvement national polonais, de celui des MAGA ou du Parti Libertarien argentin ?

Le fonds de commerce est nationaliste et ethniciste, l’État de droit est régulièrement attaqué, le racisme ordinaire est promu, le relais de la désinformation et la promotion des régimes dictatoriaux fascinent. Insuffisant pour gouverner. La négation de réalités sociales antagonistes née des désordres économiques consubstantiels au marché et à la propriété au seul profit de la nation ancestrale, est une fable. Aussi, dès la fin du XIXe siècle, deux grandes familles coexistent au sein de l’extrême-droite avec des objectifs sociaux et économiques radicalement différents. 

Si l’électorat d’Hénin-Beaumont se juxtapose bien à celui de la côte d’Azur, au fond de l’isoloir, derrière la « priorité nationale », le béotien comprend instinctivement la distincte réalité sociale des anciennes familles ouvrières du Nord, venues de Pologne ou d’Italie, de celles des études notariales radicalisées des hauteurs de Nice. Autrement dit, Maurras et Doriot sont-ils durablement compatibles ?

C’est l’un des paramètres récurrents à solutionner pour l’extrême-droite européenne à Strasbourg. Et il demeure. Si Meloni ou Le Pen sont converties au nationalisme social, à l’image des bruns italiens des années 1970 – comme le MSI néo fasciste – , l’extrême-droite viennoise, l’argentin Milei, l’américain Musk, l’abjurent. Partisans d’une dérégulation généralisée au profit de l’entreprise, voués au culte de l’initiative privée pourvu qu’elle soit nationale, quitte à la protéger aux douanes, ces derniers n’ont cure du prolétaire de l’Ohio, de celui de la Ruhr ou des Hauts de France. 

En 1934, ces contradictions trouvaient un dénouement tragique dans l’Allemagne hitlérienne, à la faveur de la nuit des longs couteaux. Les cadres SA de la base ouvrière et nationaliste derrière Röhm périssaient sous les balles des SS, précédant la nazification du régime. Cette discordance originelle du fascisme et de ceux qui en sont issus, traverse les populistes de la rive droite en Europe. En France, elle partage le clan familial Le Pen, entre la petite-fille gardienne du temple et du programme économique de son grand-père calqué sur le Reaganisme et la figure filiale rebelle, adoptant le souverainisme social des deux rives.

Dès lors, comment démasquer la supercherie ? 

La première manière consiste à concurrencer le discours social de l’extrême-droite en épousant sa démagogie, promouvant des recettes qui ignorent la réalité de la globalisation, les rapports de production, relativisant ou niant l’acquis démocratique. Inexorablement, s’en suivent un programme obsolète de nationalisations à outrances, le démantèlement de la construction européenne vécue comme la main de l’étranger au profit d’un capital cosmopolite hors sol. En résulte le rapprochement implicite – ou explicite – avec les régimes anti-occidentaux. 

C’est la voie empruntée par Sahra Wagenknecht à Berlin ou Mélenchon à Paris. Une telle proximité du verbe autorise les vases communicants entre électorats nationaux socialistes et socialistes nationaux contre ceux assimilés aux puissants. 

La seconde solution pour démasquer la supercherie, doit, quant à elle, faire la preuve que la meilleure protection des classes populaires réside dans des régulations régionales, en matière d’environnement, de normes sociales et sanitaires, de stabilité monétaire, de facilités de transport, de système de défense, sans se défaire de l’universalité commune.  

Si cette seconde proposition, portée par la gauche de gouvernement, ne parvient pas à s’imposer autrement que par les chiffres, la première, issue du populisme de gauche finira engloutie par l’extrême-droite. D’autres s’y sont vainement essayés dès les années 30. C’est l’un des défis pour 2025 que de mettre à jour les contradictions populistes de droite, irréconciliables. Comme les gauches ?

Boris Enet