Les riches sauveront-ils le climat ?

par Valérie Cohen |  publié le 15/04/2025

Les plus riches des humains sont de loin ceux qui polluent le plus. Et donc ceux qui détiennent la clé de la lutte pour le climat. Un livre décisif et paradoxal, qui souligne leur responsabilité.

Justice climatique-Pour une nouvelle lutte des classes, de Sébastien Mabile

La démonstration est implacable, chiffres à l’appui : sur les 57 milliards de tonnes (Gt) d’équivalent CO2 émises chaque année dans le monde, 50% sont produites par 10% des habitants les plus riches de la planète. La moitié, donc, d’un total déjà bien trop important. La planète ne peut absorber qu’une vingtaine de Gt chaque année. Tel est le point de départ du livre de Sébastien Mabile, avocat en droit de l’environnement et précieux lanceur d’alerte.

A ce rythme-là, le point de bascule défini par le GIEC, sera atteint avant cinq ans. Date fatidique : c’est le moment où l’humanité aura émis environ 2780 Gt d’équivalent CO2 , arrivant ainsi aux portes de l’invivable, avec des températures accrues de 1,5°C par rapport à celles qui prévalent aujourd’hui. A ce jour, nous avons déjà émis environ 2550 Gt équivalent CO2. Il nous reste donc environ 200 Gt de « crédit carbone » avant le basculement annoncé. Sébastien Mabile pose la question : ces 200 Gt qui restent, comment les répartir ? Les plus riches vont-ils continuer à émettre plus que la moitié de la population réunie ? Ou peut-on imaginer un partage plus équitable ?

Mabile passe en revue les sources d’émissions les plus problématiques, faisant la distinction entre « les émissions de subsistance », indispensables, et les « émissions de luxe », difficiles à justifier. Pour rappel, les accords de Paris prévoyaient d’atteindre en 2050 ce qu’on appelle le « net zéro », c’est-à-dire l’équilibre entre les émissions et la capacité de la nature à les absorber, ce qui équivaut à une moyenne d’émission d’environ 2t/personne au niveau mondial. Nous en sommes très loin. En France, la moyenne est de 9t/personne.

Si les plus riches plafonnaient leurs émissions à quelque 15t par personne, on enregistrerait une baisse de 10% des émissions de GES. Très insuffisant… Pour donner une chance à l’humanité, les plus prospères des humains doivent jouer quatre rôles. Celui de modèle : si les riches font cet effort, les autres ne pourront plus prendre leur inaction comme excuse pour ne rien changer – celui d’investisseurs, celui de participants aux organisations et enfin celui de citoyen. Autrement dit, ceux qui causent le plus de dégâts sont aussi ceux qui détiennent les moyens matériels et moraux de sauver l’environnement, clé de la survie. En sont-ils seulement conscients ?

Sébastien Mabile, Justice climatiquePour une nouvelle lutte des classes, Actes Sud – 176 pages

Valérie Cohen

Ecologie-Environnement