Les ultra-riches sur la sellette

par Gilles Bridier |  publié le 12/02/2025

Le principe d’une taxe sur les hauts patrimoines revient à l’Assemblée, pour contrer les dispositifs qui permettent aux ultra-riches d’échapper à l’impôt sur le revenu.

L'économiste français Gabriel Zucman donne une conférence sur le lancement de l'Observatoire européen de la fiscalité, le 1er juin 2021 à Bruxelles. (photo AFP / PISCINE / François WALSCHAERTS)

Il y a deux façons de considérer la « taxe Zucman », qui sera discutée en séance à l’Assemblée nationale le 20 février. Soit comme un ISF (impôt sur la fortune) qui ne dit pas son nom, soit comme un dispositif restreignant l’optimisation fiscale pour les contribuables ultra-riches qui organisent leur évitement de l’impôt. Dans ce cas, on parlerait plutôt d’IPF (impôt plancher sur la fortune).

En réalité à l’origine, cette taxe Zucman, du nom de professeur d’économie, diplômé de l’université de Berkeley en Californie et directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité, consiste en un impôt mondial de 2 % sur la fraction des hauts patrimoines supérieure à 100 millions d’euros. La déclinaison pour la France ne serait pas aussi ambitieuse. Mais il est vrai que, en France, le principe de la progressivité de l’impôt n’est plus respecté. À force de « créativité fiscale », en utilisant les subtilités de la réglementation, les contribuables les plus riches adoptent des dispositifs d’optimisation – légaux mais pas forcément légitimes – qui leur permettent d’échapper à l’impôt.

Ainsi, pour Gabriel Zucman, proche de François Ruffin, la France est devenue « un paradis fiscal pour les milliardaires » qui ne paient quasiment pas d’impôt sur le revenu. Il pointe notamment les holdings familiales où les revenus qui y sont logés ne sont pas taxés, bien qu’ils servent aux intéressés à financer leur niveau de vie. De sorte que, tous prélèvements obligatoires confondus – y compris TVA, CSG, IFIL (sur la fortune immobilière) et impôt sur le revenu – la fiscalité appliquée aux milliardaires serait de 27%, contre 52% en moyenne pour l’ensemble des Français. Une progressivité à l’envers.

Pour le projet de taxe en question, il s’agit d’un retour devant les députés. Une version édulcorée avait déjà été au menu des travaux de l‘Assemblée à l’automne, avant que le gouvernement Barnier ne soit balayé, emportant sa loi de finances avec lui. Mais Amélie de Montchanin, dès son arrivée à Bercy comme ministre des Comptes publics, avait fait part de son intention de lutter contre les optimisations abusives, et François Bayrou avait également repris à son compte l’idée d’une taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines. Une entorse au dogme macronien…

Reste encore à établir le plancher au-delà duquel la taxe en question serait appliquée en France, et quels seraient son taux et son périmètre. Pour le groupe écologiste qui porte ce projet, seuls seraient concernés 0,01% des contribuables. Dans les réflexions qui ont déjà été menées par d’autres groupes, d’aucuns préconisent de ne pas tenir compte des biens professionnels dans l’évaluation de la fortune, d’autres (au gouvernement, notamment) de se limiter à un taux de 0,5%, d’autres encore de porter le plancher à un milliard d’euros afin de ne pas pénaliser les patrons de PME.

Le budget 2025 ayant été adopté et la rétroactivité étant impossible, c’est maintenant pour 2026 que le produit de cette taxe pourrait être pris en compte dans le volet recettes. Une telle disposition impliquerait d’en prendre d’autres pour contenir l’exil fiscal qui pourrait s’ensuivre ; tout le monde n’étant pas comme cette poignée de milliardaires américains, Bill Gates et Warren Buffet en tête, qui réclament de payer plus d’impôt. On peut aussi considérer que pour la vitalité de l’activité en France, il est plus légitime de taxer les grandes fortunes au-delà d’un certain plancher, que d’alourdir les charges qui pèsent sur l’outil de production, comme c’est le cas aujourd’hui.

Gilles Bridier