Les vrais-faux oublis du Premier ministre
Fin de vie, petite enfance, violences faites aux femmes : sur ces sujets, le Premier ministre affiche de bonnes intentions sans dire toute la vérité.
Ce qu’on omet est parfois plus révélateur que ce qu’on exprime. Au cours de son DPG (discours de politique générale), le Premier ministre a affirmé, sans s’étendre, que le débat sur la fin de vie allait reprendre, qu’un service public de la petite enfance serait créé et qu’il n’y aurait aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes. On ne peut que s’en féliciter. Mais à chaque fois il manquait l’essentiel pour qu’il soit crédible.
Fin de vie : le projet de loi en discussion au Parlement, interrompu par la dissolution, suscite de grandes réticences du côté des élus LR. Si les députés sont parvenus à un début de compromis fragile, la discussion annoncée au Sénat risque d’être beaucoup plus difficile. Les Républicains y siègent en nombre et comptent en leur sein des sénateurs hostiles à toute forme de suicide assisté. On aimerait savoir si Michel Barnier soutient les dispositions issues de la majorité précédente ou partage les hésitations, pour ne pas dire plus, de ses amis du palais du Luxembourg. Il n’a rien dit sur le fond. Or son engagement personnel serait déterminant pour que le projet ait une chance d’aboutir.
Petite enfance : enfin serait créé un service public de la petite enfance. Louable intention : les crèches privées sont en crise et la prise en charge de la garde des jeunes enfants est une condition de la liberté des femmes, puisque c’est encore sur elles que tombe généralement la responsabilité de veiller sur eux. Faute de garde, elles sont nombreuses à se résigner à travailler à temps partiel ou pas du tout. Or ce sujet est un serpent de mer. La création d’un service public de la petite enfance figurait déjà dans les « 100 mesures pour les femmes » proposées il y a cinquante ans par Françoise Giroud, première secrétaire d’Etat à la condition féminine. Michel Barnier n’a pas révélé par quel miracle il parviendrait à réussir où tous ses prédécesseurs ont échoué. Elisabeth Borne avait fait la même annonce que lui en juin 2023, estimant le coût des 200 mille places de crèches nécessaires à 5 milliards d’euros. Les trouvera-t-on aujourd’hui, alors que les caisses sont vides ?
Violences faites aux femmes : là encore, qui pourrait reprocher au chef du gouvernement d’affirmer son intransigeance ? Le procès de Mazan, comme le viol et le meurtre de la jeune Philippine (à laquelle ont été réservés les premiers mots du DPG) montre à quel point il est urgent de se montrer ferme. Mais il ne suffit pas de le dire. Il faut agir. Or Michel Barnier n’a pas confirmé l’annonce de son Garde des Sceaux concernant l’introduction du consentement dans le Code pénal. Pas plus n’a-t-il affirmé, au nom de la fraternité tant vantée, que l’éducation aux relations affectives et sexuelles seraient enfin prodiguée dans le cursus scolaire (la mise en œuvre de la loi attend depuis 22 ans et l’ébauche de programme est encore bloquée par les plus conservateurs du ministère de l’Education, requinqués par la tonalité du nouveau gouvernement). On n’a pas entendu non plus l’annonce d’une grande loi-cadre sur les violences sexuelles, souhaitée par les associations féministes, ni la volonté de lutter contre les incitations à la violence contre les femmes véhiculées par Internet, la pornographie en particulier.
Ces sujets concernent la vie quotidienne de millions de « gens d’en bas ». Ils méritent qu’on les traite avec sérieux. Michel Barnier a promis de dire la vérité aux Français. Ce serait encore mieux qu’il leur dise… toute la vérité.