L’éternelle exception française

par Boris Enet |  publié le 24/10/2024

Les trois-cent-quinze ZFE des quatorze pays européens ont le même objectif : améliorer l’impact sur la qualité de l’air. En France, le récent report de l’obligation légale des vignettes automobile Crit’air3 et 4 illustre un débat qui nous est … propre.

Panneau d'entrée d'une ZFE (Zone à Faibles Émissions), à Toulouse, le 2 janvier 2023 (Photo de Frederic Scheiber / Hans Lucas via AFP)

Les 31 communes de la Métropole de Montpellier avaient tout pour être heureuses. Elles venaient, par exemple, d’adopter un PLUI (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) ambitieux en matière de protection environnementale et sociale. Mais le report de l’application des ZFE pour certains véhicules dans les métropoles rabat les cartes de sa gouvernance et illustre les convictions à géométrie variable d’une partie de ses élus, dont ceux de gauche.

La fronde, menée par les élus de droite et de centre-droit des communes périphériques, au nom des petites gens empêchés d’utiliser leur voiture contre de méchants bobos déconnectés, est une fable hexagonale répandue. Reprenant les clichés les plus éculés, elle oublie l’origine de ces propositions : des élus excentrés de la ville-centre, confortablement installés, circulant en SUV, résidant dans des villas cossues.

À ces messieurs d’incarner avec conviction la défense des Smicards vivant dans des barres d’immeubles, premières victimes de la concentration d’azote et de carbone dans l’air (300 à 400 morts par an dans la seule Métropole de Montpellier d’après les études les plus récentes).

L’autre argument de circonstance pour repousser sine die l’application des ZFE, relèverait de la situation internationale… Cela ne s’invente pas. Il conviendrait d’attendre la stabilisation de la situation européenne, une meilleure visibilité énergétique, la fin de l’agression russe, pour avancer sur le dossier. La ficelle est là encore un peu grosse, mais pour des élus pourfendant « l’écologie punitive », tout est bienvenue.

En plus des Insoumis populistes, maximalistes dans le programme, rétrogrades en pratique, l’offensive est relayée par des alliés de circonstance pas forcément attendus. Ainsi, des élus écologistes s’abstiennent sur la question afin de ne pas opposer « fin du monde et fin du mois » selon le slogan commode pour justifier de l’immobilisme.

Tant pis si c’est une remise en question patentée contre la transition urbaine, la gratuité des transports, l’aide de 500 euros à l’achat de vélos électriques, la construction de vélos-lignes, le maillage du territoire avec de nouvelles lignes de tramway, l’augmentation de leur fréquence. A dix-huit mois des prochaines municipales, tout est réversible.

Voilà une énième illustration du balbutiement des convictions sur une question nécessitant clarté et principes. C’était le sens de la campagne européenne de Glucksmann sur le « Green deal » européen, reprochant à Von Der Leyen son attitude timorée en matière de transition agricole et énergétique.

A la première secousse, une partie de la gauche française trébuche contre les exécutifs locaux défendant la santé publique.

L’histoire retiendra d’un côté la force des convictions et la détermination d’hommes et femmes de gauche comprenant le nécessaire basculement de paradigme sur la question écologique, à l’image de la maire de Paris et de l’autre, ceux qui, en dépit des effets de manche, se mettent à reculer dès qu’ils sont au pied du mur. 

Boris Enet