L’Europe contre-attaque
Après la sidération, vient enfin le temps de la réaction. Le discours de JD Vance à Munich, ne fut pas seulement l’officialisation de la fin de l’alliance des démocraties occidentales, mais une redoutable offensive idéologique digne d’un spadassin du fascisme. L’heure de la réponse est venue.
JD Vance n’était pas seulement venu livrer Zelensky et les ukrainiens aux loups. Sur un ton professoral, il a profité de la sidération de l’assistance pour enchainer les coups contre une vieille Europe tout bonnement accusée de rester une démocratie libérale, garante de l’État de droit et d’un certain nombre de protections des droits humains. Sauf que, cette fois-ci, les Européens semblent prendre au sérieux la menace. On pourra en regretter le caractère tardif et l’aspect inorganisé, mais les initiatives se multiplient et indiquent que le temps de la contre-offensive est venu.
La première réaction, molle, vient de Berlin. Elle réunit à l’unisson les deux grandes familles de la démocratie allemande, le SPD comme la CDU. À une semaine d’un scrutin déterminant, le porte-parole du chancelier Scholtz a diplomatiquement réagi à cette nouvelle « immixtion » qui n’est autre qu’un soutien explicite à l’AfD, l’extrême-droite allemande. Le leader de la CDU, Friedrich Merz n’a pas dit autre chose.
Beaucoup plus significatif, en revanche, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, propose l’activation de la clause de sauvegarde, permettant aux États membres de la zone euro d’échapper aux règles budgétaires afin d’investir significativement et collectivement dans les industries de Défense, à l’unisson d’Emmanuel Macron dans son interview au Financial Times de vendredi. Elle estime l’effort nécessaire à quelques 500 milliards d’euros sur la prochaine décennie. Puis, il y a eu le discours du président ukrainien, dans le rôle du sacrifié non consentant et c’est sans doute la pierre principale d’achoppement pour la petite oligarchie trumpiste.
D’abord, Kyiv refuse à cette heure le marché proposé par le VRP en chef de l’immobilier américain. Le deal protection contre minerais ukrainiens ne peut être conclu, puisque de protection, il n’en existe pas. Malgré ses récurrentes déceptions, Zelenski continue d’en appeler à la solidarité européenne, lui suggérant une conclusion pratique : agir pour le « bien » de l’Europe et constituer « des forces armées européennes ».
Cette perspective, défendue par Raphael Glucksmann depuis des années, chemine enfin par la précipitation des évènements et la brutalité de l’adversité. Bien entendu, l’étroitesse d’une partie des élites européennes, notamment allemandes, a encouragé la concurrence dans le secteur de la Défense.
Dans un premier temps, un état-major européen intégré tenant à disposition des bataillons ou divisions dotés de moyens aériens, constituerait un saut qualitatif. Ces unités terrestres pourraient être déployées rapidement en Pologne, en Ukraine et dans les États baltes, mais également en Roumanie plus significativement que celles qui y sont présentes au nom de l’Otan.
Dans la Baltique, un groupe naval de surveillance intégré, constituerait là encore une avancée, à la condition de coordonner les moyens entre Paris et Londres, ce qui relève du vœu pieux pour l’heure lorsqu’on connait les liens de dépendance entre Londres et Washington. Les supputations sont nombreuses et feront sourire les sceptiques.
Le catalogue des mesures opérationnelles est vaste, mais ce qui compte davantage est le transfert partiel de compétences à l’échelon supranational car c’est le premier pas, celui qui compte le plus – à Berlin en particulier. Si l’UE y parvient, elle enclenchera une dynamique propre à enrayer la strangulation conjointe de Washington et de Moscou sans qu’il n’y ait d’équivalent entre l’une et l’autre.
C’est sans doute l’une des visées politiques de la réunion de Paris, convoquée lundi par Emmanuel Macron. Donald Tusk y sera pour la Pologne. Le trio bruxellois, von der Leyen, Callas, Costa s’y joindra assurément en attendant d’autres convives. Le format reste encore flou, mais il indique que le tocsin a retenti dans les chancelleries du continent.
Comme un lointain écho à l’interpellation du démocrate Bernie Sanders, implorant les Européens à organiser la résistance au chambardement illibéral et réactionnaire, les Européens ont l’occasion de prendre la tête de la contre-offensive mondiale au trumpisme, de ranimer l’espoir et la confiance sur la façade orientale du continent, et de ne pas abandonner près d’un électeur sur deux de l’autre côté de l’Atlantique en proie au désespoir.