L’Europe en 2025 : être ou ne pas être

par Pierre Benoit |  publié le 03/01/2025

Pour parer au risque de retrait américain, l’Union doit construire son indépendance stratégique. Sauf à s’effacer de la scène internationale.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse après la réunion du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles le 19 décembre 2024. (Photo de JOHN THYS / AFP)

« Nous voulons nous battre pour une Ukraine suffisamment forte. Parce que seule une telle Ukraine sera respectée et entendue, tant sur le champ de bataille qu’à la table de négociation ». Au soir du 31 décembre, les vœux du Président Zelensky dessinent une ligne de crête délicate pour son pays, qui entrera bientôt dans sa troisième année de combat contre la Russie.

En 2025, le calendrier international démarre forcément par l’Ukraine, Donald Trump ayant martelé durant sa campagne qu’il était en mesure de « terminer ce conflit en vingt-quatre heures ». Il va falloir oublier cette formule magique de bateleur. Le 47ème Président des États-Unis ne va pas sortir de son chapeau le 20 janvier un accord de paix bien ficelé entre Moscou et Kiev.

En coulisse, les premiers contacts entre l’équipe Trump et l’entourage de Poutine n’ont rien donné. On sait déjà que le maître du Kremlin n’a pas daigné répondre à un appel téléphonique de Donald Trump après son élection. Sans doute, s’agissait-il d’un test pour voir comment le futur hôte de la Maison Blanche allait réagir. Poutine, qui a déjà perdu la face une première fois en échouant à s’emparer de l’Ukraine en quelques semaines comme il en avait l’intention en février 2022, joue une partie délicate. Donald Trump est un adepte du « deal » comme il se plait à le répéter. Mais il est aussi capable de foucades cinglantes. Il l’a montré lors de son premier mandat. Et il a déjà envoyé un premier avertissement en direction du Kremlin. Au cas où Poutine refusait d’entrer en négociation, Trump a fait savoir qu’il pouvait tout aussi bien poursuivre son aide militaire à Kiev, et plus encore que sous l’administration Biden…

Hasard du calendrier, la Pologne vient de prendre le relais de la Hongrie et assure pour six mois la Présidence du conseil de l’Union européenne. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban était allé à Moscou saluer Vladimir Poutine sans la moindre concertation avec Bruxelles. Le soulagement des Européens est d’autant plus net que Varsovie annonce que les enjeux de défense sont la priorité de la présidence polonaise. « Il n’y a rien de plus important que le fait de reprendre ensemble notre sécurité collective », répète le ministre des affaires étrangères en réponse aux menaces proférées par Trump d’un possible départ des Américains de l’Otan. Pour les Polonais il est temps que les Européens assurent leur indépendance stratégique. Ils montrent aussi l’exemple : Varsovie consacre 4,7% de son PIB aux crédits de défense. Très vite l’armée polonaise sera la plus puissante d’Europe.

La Présidence polonaise suffira-t-elle à calmer l’inquiétude des chancelleries européennes ? Pas sûr. En fait, tout le monde se pose la même question : que faire si Trump suspend l’aide américaine à Kiev ?

Sur le papier, les déclarations de l’Union Européenne, de l’Otan ou des pays baltes vont toutes dans la même sens. L’Europe veut maintenir son aide à Kiev. Mais il serait naïf de faire croire que l’Europe a les moyens de prendre le relais. Les engagements financiers de l’UE peuvent bien sûr être maintenus, mais jamais l’aide militaire européenne ne sera suffisante pour compenser une quelconque défection des livraisons américaines.

Pour l’instant Volodymyr Zelensky feint de ne pas croire à l’hypothèse d’un retrait américain. Il garde l’espoir de convaincre Trump de maintenir son engagement. Il sait que l’année 2024 a été la pire depuis le début du conflit avec une avancée russe de plus de 4000 km2 dans le Donbass. Un grignotage sept fois plus important que l’année précédente.

Enfin, il n’y a pas que Donald Trump qui a la main sur le dossier ukrainien. Le Président américain est en tandem avec Elon Musk. Depuis sa nomination en novembre, on a presque oublié que le milliardaire est chargé d’un ministère de « l’efficacité gouvernementale ». Le voilà dans un rôle élargi de « grand vizir » à la Maison Blanche. Non seulement sa vision est aux antipodes de celle de l’Union Européenne sur la régulation de la « Tech », mais il affiche ses sympathies pour les formations populistes pro-russes et invite les électeurs allemands à soutenir le parti d’extrême-droite AFD aux élections de février.

Malgré les élans de la Pologne, la crise politique en France et le scrutin allemand soulignent dans ce moment décisif pour l’Union européenne le manque de leadership sur le vieux continent.

Pierre Benoit