L’hubris de Netanyahou

par Laurent Joffrin |  publié le 29/10/2024

En poursuivant une guerre sans fin à Gaza et en visant désormais l’ONU, le gouvernement israélien cède au vertige de la force et compromet l’avenir de la région.

Laurent Joffrin

On comprend l’agacement – le mot est faible – des alliés traditionnels d’Israël, à commencer par Joe Biden, dont l’appui logistique est décisif pour l’armée israélienne. Alors même que ses objectifs sont atteints à Gaza – au prix d’un massacre épouvantable – le gouvernement dirigé par la droite israélienne avec l’appui de l’extrême-droite lance une nouvelle offensive au nord de l’enclave.

Une nouvelle fois les images sont effrayantes : une ville dévastée au bord de l’anéantissement, des pertes civiles atroces, des blessés qu’on ne peut plus soigner, des cadavres d’enfants livides que les familles éplorées tirent des décombres, une population terrorisée qui ne sait plus comment échapper aux bombes, sachant que les zones où elle pourrait se réfugier ne sont guère plus sûres que celle où elle réside.

Les défenseurs de la politique israélienne affirment que les images tournées sur place le sont sous l’influence du Hamas. La chose est possible, mais leur réalité n’est pas contestée. Cette dénonciation est d’ailleurs paradoxale : si les reportages qui nous parviennent sont suspects de partialité, pourquoi l’armée israélienne refuse-t-elle que des journalistes étrangers puissent accéder à l’enclave ? On ne le sait que trop : un flux d’images tournées en liberté susciterait dans l’opinion occidentale une émotion intense, qui risquerait d’influer sur les gouvernements.

À ces actions impitoyables, le gouvernement Netanyahou ajoute une campagne d’attaques armées et de dénigrement grossier envers l’ONU, ses casques bleus et ses agences humanitaires. Il a même interdit sur son sol les activités de l’UNRWA, l’agence chargée des réfugiés palestiniens. Officiellement, il s’agit de punir l’organisation, dont une dizaine de militants sont accusés d’avoir participé au pogrom du 7 octobre.

Mais l’UNRWA compte des milliers de membres et un rapport dirigé par Catherine Colonna, ancienne ministre française des Affaires Étrangères, a estimé que ses activités étaient exemptes de complicité avec le Hamas. Concernant le recrutement, le rapport note que l’UNRWA transmet la liste de ses employés aux gouvernements hôtes des pays dans lesquels elle opère. « Le gouvernement israélien n’a pas informé l’UNRWA d’une quelconque préoccupation relative à un membre du personnel de l’UNRWA basé sur ces listes de personnel depuis 2011 », indique le rapport. Plusieurs pays amis d’Israël ont décidé de continuer à la soutenir. On sait au demeurant que le gouvernement Netanyahou lui reproche surtout de venir au secours des réfugiés palestiniens, prolongeant leur séjour dans des camps, alors qu’il souhaiterait leur dispersion dans les pays arabes voisins.

C’est désormais le soupçon qui pèse sur Israël : mettre à profit la guerre pour conquérir de nouveaux territoires et se débarrasser par la force de la question palestinienne, comme le réclame ouvertement l’extrême-droite qui siège au gouvernement. Ce qui expliquerait, plus que les impératifs militaires, l’acharnement guerrier de Netanyahou et son mépris provocant pour les résolutions de l’ONU. La continuation du conflit, outre des pertes civiles justification militaire, accroît chaque jour le risque d’embrasement de toute la région.

Certes beaucoup de nations, arabes notamment, ne sont pas fâchées de voir l’État hébreu se charger de réduire les organisations terroristes que sont le Hamas et le Hezbollah. Mais il arrivera un moment où cette tacite approbation laissera place à la lassitude devant le danger qui menace l’équilibre mondial. Israël a le droit de se défendre. Mais son gouvernement a-t-il le droit d’entraîner ses alliés dans un conflit incontrôlable ?

Laurent Joffrin