L’ignoble traquenard du bureau ovale
Volodymyr Zelensky a résisté avec une belle dignité aux traîtres à la liberté que sont Donald Trump et J.D. Vance. Reste la question décisive : que vont faire les démocraties européennes pour pallier la défection américaine ?

On a le cœur serré quand on contemple ce spectacle qui piétine tout ce à quoi nous croyons ; on a la rage au cœur quand on voit deux butors arrogants sermonner le défenseur valeureux de la liberté européenne. Sous l’œil des caméras, dans une sinistre première diplomatique, le président dévoyé de la première démocratie au monde – avec son acolyte J.D. Vance, un fanatique au front bas – veut mettre à genoux de la chef d’une autre démocratie, qui résiste héroïquement depuis trois ans à l’agression d’un dictateur cynique. « Vous n’avez aucune carte en mains », dit Trump à Zelensky, lequel démontre par sa pugnacité qu’il lui en reste au moins une : celle de l’honneur et de la fidélité à son peuple.
En 1938, au moment des accords de Munich, Hitler vitupérait de la même manière Edvard Benes, président de la Tchécoslovaquie sacrifiée au nom de « l’apaisement ». Poutine n’a pas même besoin d’être « apaisé ». Trump agit à sa place et pour son compte. Il déroule devant Zelensky les implacables arguments de ceux qui croient à la force et non au droit, à l’écrasement des faibles par les forts, à la supériorité des menteurs et des oppresseurs, dès lors qu’ils ont pour eux la puissance des armes.
Confiant dans son bon droit et dans son humanité, Zelensky, qu’on veut sacrifier aux intérêts d’un Néron milliardaire, quitte la scène la tête haute, disant son affection pour le peuple américain, mettant en lumière l’arrogance des traîtres à la démocratie qu’il vient de contredire sans peur. Pour cette attitude d’honneur et de courage, Zelensky mérite l’admiration de tous les défenseurs de la liberté.
Mais il ne suffira pas de dénoncer cette scène de cauchemar. Révulsée, l’Europe libre réitère son soutien à l’Ukraine. Bonne nouvelle. « Vous ne serez jamais seuls », dit-elle à Zelensky. Belle sentence qui rend hommage au paladin de la liberté pris dans le traquenard du bureau ovale. Mais il s’agit maintenant de passer aux actes. Quelle mesure concrète allons-nous prendre pour aider l’armée ukrainienne que la traîtrise de l’ancien allié américain met en danger ? Quel soutien diplomatique pour le peuple ukrainien ? Quelles garanties pour cette démocratie martyre en cas d’accord de cessez-le-feu ? C’est-à-dire : combien de soldats sommes-nous prêts à déployer en Ukraine pour contenir la fureur conquérante de la Russie encouragée par Trump ? Il n’y a pas d’autre solution que la force pour s’opposer à la force.
Longtemps concentrée sur les dividendes de la paix, l’Europe est dédormais confrontée à la tragédie de l’Histoire. En vertu d’objectifs confus et égoïstes, Trump veut livrer l’Ukraine au moloch de Saint-Pétersbourg. Si elle veut exister à l’avenir, l’Union, la France en tête, doit se mettre en travers. L’instant est décisif : dans les jours qui viennent, les pacifiques nations du vieux continent doivent décider d’être ou de ne pas être. Telle est la seule question.