L’Italie, nid d’espions
Deux brèches majeures dans la confidentialité des données secouent l’opinion italienne : les commentateurs s’inquiètent pour la sécurité nationale.
Espionnage à l’italienne… On a découvert en septembre qu’un fonctionnaire félon de la Police financière, le lieutenant Pasquale Striano, avait infiltré la banque de données d’une structure on ne peut plus sensible : la Direction nationale antimafia. On ne recense pas moins de 230.000 accès abusifs. Parmi les épiés : le ministre de la Défense Guido Crosetto, des politiciens haut placés, des chefs d’entreprise comme Andrea Agnelli, des sportifs, des personnalités du monde du spectacle et de la mode, et même des grands chefs cuisiniers, dont Antonino Canavacciulo.
Mais c’est la deuxième affaire, la plus récente, qui a fait mouche dans l’opinion, en raison de sa gravité et de son originalité. Pas de Direction nationale cette fois-ci, mais une filiale des Pouilles de la Banca Intesa San Paolo, la première banque italienne. Un employé, Vito Coviello, s’est rendu coupable de 6 637 accès abusifs en visionnant les mouvements bancaires de 3 572 clients entre février 2022 et avril 2024. La liste de ces clients n’est pas anodine : la première ministre Giorgia Meloni et sa sœur Arianna, ses prédécesseurs, Mario Draghi, Enrico Letta, Matteo Renzi et Massimo d’Alema, des présidents de la Chambre et du Sénat, d’autres ministres et enfin des entrepreneurs issus des familles Agnelli et Berlusconi.
Les intéressés n’ont pas manqué de réagir. « La Meloni » s’est érigée en victime, soutenant que des forces obscures complotent contre elle parce qu’elles ne digèrent pas l’existence de son gouvernement. Et ce, même si on compte parmi les espionnés de nombreux personnages de gauche. D’autres, plus désabusés, ont démoli l’hypothèse complotiste en soutenant que l’employé Coviello souffrait d’une curiosité compulsive de voyeur qui relèverait plus de la psychiatrie que de la justice pénale.
Enfin, dernière réaction, venue cette fois du Procureur National Antimafia, le magistrat Giovanni Melillo. Selon lui, l’Italie est actuellement confrontée à « un gigantesque marché de données et d’informations digitales abusives qui peuvent intéresser aussi bien le monde de la politique que celui de l’économie ».
L’enquête en cours au Parquet de Pérouse devrait apporter bientôt des éclairages précis sur ces affaires. Cette enquête semble en tout cas rassurer le procureur Mellino, puisque, selon lui, elle devra contraindre les responsables institutionnels à « renforcer et mettre sous contrôle au moins les infrastructures les plus délicates ».