L’offensive ou la capitulation

par Boris Enet |  publié le 10/07/2025

Kyiv est victime chaque nuit de frappes meurtrières. D’autres régions européennes, aux quatre coins cardinaux de l’Ukraine sont soumises aux assauts du criminel de guerre du Kremlin. Même Trump en convient : « Poutine veut continuer à tuer des gens ». Quand arrêterons-nous le bras de l’assassin et comment ?

Cérémonie d'adieu sur la place de l'Indépendance à Kyiv, en Ukraine, le 9 juillet 2025, en hommage à Roman Oryshchenko, militant civique et politique et volontaire militaire tué en défendant l'Ukraine contre les occupants russes le 2 juillet. (Photo de Maxym Marusenko / NurPhoto via AFP)

Cette guerre qui s’éternise aux confins de l’Europe est, faut-il le rappeler, une guerre de conquête, de prédation, d’agression menée par Moscou en violation de toutes les normes du droit international. L’absence de condamnation explicite de grands pays comme le Brésil ou l’Inde, au-delà du petit cercle des États complices du Kremlin, a porté un coup terrible à une gouvernance internationale onusienne bien imparfaite, mais qui avait au moins le mérite d’exister. À l’heure où Trump et Vance sapent ce qu’il en reste, la part des responsabilités des uns et des autres ne sera pas sans conséquence pour la suite.

Ensuite, comme le dit le simplet de Washington, Poutine « tue des gens. C’est pas bien », là encore avec un mépris sans borne des droits de la guerre. Il frappe délibérément les populations civiles espérant les terroriser. Ses troupes se comportent comme des hordes barbares quand elles s’emparent d’une position, d’un village, pillant, violant, déportant ceux qui n’ont pas pu ou voulu fuir. Tout cela est parfaitement documenté et a motivé les poursuites engagées contre Poutine par la Cour pénale internationale. À contrario, Kyiv a réussi à maintenir, et c’est sa force, une ligne respectueuse des Conventions de Genève et des lois de la guerre. Le refus d’abaisser l’âge de la conscription en est une preuve supplémentaire.

Guerre asymétrique donc par les valeurs défendues d’un côté et piétinées de l’autre. Le jugement de l’Histoire ne fait guère de doute. Le renvoi dos à dos des belligérants est indéfendable et ne relève que d’une vile trahison de principe. La réalpolitique ne peut l’ignorer car venu le temps de la liquidation diplomatique du conflit et celui de la reconstruction, ces données prennent heureusement le pas sur les considérations de rapport de force tactique au jour le jour de la veille. Les tableaux simplistes qui voudraient que Kyiv soit au bord du gouffre tandis que Moscou pourrait tranquillement compter sur le temps sont trompeurs.

La guerre, toujours, épuise les combattants sur le front comme à l’arrière dans tous les camps. Le mensonge de la propagande finit toujours par se dissiper.

Plus de quarante mois plus tard, Kyiv reste cependant et pour l’essentiel, enfermée dans un funeste positionnement défensif par ses soutiens. La distinction entre la défense aérienne et la contre-offensive n’est en rien justifiée. Inspirée par l’idée résumée par Macron qu’il ne fallait pas que « la Russie soit humiliée », elle reposait sur la crainte d’une situation devenue incontrôlable avec la chute du régime, Poutine ayant liquidé toutes ses oppositions. Piètre calcul porté à son paroxysme par Scholz, le chancelier allemand d’alors, refusant à Zelenski les moyens de riposter à la bonne échelle. En dépit de ces contraintes, les Ukrainiens furent à plusieurs reprises en situation de passer à l’offensive sans pouvoir vraiment l’engager, faute de moyens.

La défense de l’Ukraine sur terre, sur mer et dans les airs suppose en effet l’utilisation de toute la profondeur de champ du territoire russe. C’est la perspective indépassable pour contraindre Poutine à s’assoir à la table de négociation. Impasse illusoire. Son ministre Lavrov négocie en effet… mais avec Pyongyang. Seule la défaite de Poutine, par effondrement interne combiné à la pression militaire extérieure, peut accélérer la fin de la guerre. L’Europe doit en fournir tous les moyens et sans délais à Kyiv. Malgré les contraintes techniques et le retard originel, elle le peut si elle le décide.  

Boris Enet