Moins de bébés ? Une chance !

par Boris Enet |  publié le 18/07/2025

La décrue démographique scolaire ne fait que commencer. Si elle soulève des difficultés sociales, elle ouvre aussi de nombreuses opportunités pour l’ensemble de la communauté éducative, révélant l’ampleur de la fracture territoriale.

Élisabeth Borne devant l'Élysée le 16 juillet 2025. (Photo de Magali Cohen / Hans Lucas via AFP)

Si le dernier rapport annuel de la Cour des Comptes s’inquiète de la déroute démographique, plaidant pour une approche territoriale beaucoup plus décentralisée, permettant d’anticiper les ouvertures et fermetures de classes, la baisse continue de la natalité depuis une quinzaine d’années, peut aussi permettre une amélioration sensible dans plusieurs domaines.

C’est pourtant une conception formellement nationale et centralisée qui est privilégiée par les organisations syndicales enseignantes dans leur majorité. Avec 143 000 enfants de moins qu’en 2007 à la rentrée prochaine, le taux d’encadrement – à savoir le nombre d’enseignants pour 100 élèves – évolue favorablement de 6.05 professeurs à 6.13 en un an. Rien à voir donc, de prêt ou de loin avec la liquidation de l’instruction publique aux États-Unis à l’ère Trump comme on peut le lire de manière aussi grotesque qu’inopérante dans une partie de la presse militante.

Cette tendance est amenée à se renforcer pour les années suivantes, aboutissant à la signature d’un protocole entre la rue de Grenelle et l’Association des Maires de France (AMF) et son pendant rural. Ce changement de paradigme est déjà une réalité dans de nombreux territoires, avec 45% des élèves du primaire en multiniveaux et jusqu’à 75% dans les départements ruraux. Cela induit la nécessité du renforcement de la formation continue parmi les professeurs des écoles évitant le renforcement des inégalités scolaires déjà considérables en fonction des origines, sociale et géographique.

Mais la question n’épargne pas une partie des métropoles, Paris la première, devant un coût de la vie devenu inabordable pour des pans entiers des classes moyennes. Le passage à une régionalisation renforcée des moyens et des capacités d’anticipation est d’autant plus nécessaire que les postes aux concours demeurent massivement vacants.

Avec près de 1700 postes non pourvus dans le public et près de 280 dans le privé, la fracture territoriale s’impose comme la grande urgence institutionnelle à résoudre devant les autres. Parmi les zones les plus impactées, une partie de l’Ile de France, dont l’académie de Créteil et les DROM, la Guyane en tête, avec près de 77% de postes non pourvus aux concours.

Une gouvernance de la Raison doit se saisir des bonnes échelles pour être force d’écoute et de proposition dans une logique de planification renforcée, profitant du déclin de la natalité pour ajuster les moyens. Or, jusqu’alors, la moyenne nationale de 800 élèves en moins par département, reprise par le SNES/FSU minore l’ampleur du déclin démographique, sans pointer les lourdes disparités territoriales auxquelles il convient de remédier. Confrontée aux déserts médicaux, la République pourrait s’éviter les déserts scolaires. Mais l’efficience du service public d’éducation et la rationalité des moyens disponibles sont conditionnés par des moyens d’autonomie renforcés, ce qui n’est nullement la culture du second degré.

Cette fracture territoriale touche également les académies les plus exposées en matière d’adaptation au réchauffement climatique. Là encore, un seuil doit être franchi, sans quoi la réforme des rythmes scolaires sera à nouveau lettre morte. Chez nos confrères du Monde, un collectif d’associations environnementales, plaide à juste titre, pour une accélération de la végétalisation et la désimperméabilisation des cours d’école et des parvis. Il prend appui sur de nombreuses expérimentations réalisées par les communes. La difficulté est plus conséquente pour les collèges dont le parent pauvre – les départements – peine à trouver des fonds pour adopter le bon tempo de la rénovation du bâti. Mais ici aussi, la baisse continue et prévisible de la population scolaire peut accélérer le processus, permettant, par exemple, l’aménagement de pièces de travail équipées pour les enseignants, aptes à recevoir les familles et travailler de manière collaborative.

Durement éprouvée, l’école de la république, à la faveur de ce déclin démographique, peut mécaniquement améliorer son taux d’encadrement sur plusieurs années, reconstituer un vivier de remplaçants – passé de 45 000 et démantelé sous Nicolas Sarkozy à 20 000 aujourd’hui – et renforcer l’encadrement des enfants nécessitant une ULIS (Unité Locale d’Inclusion Scolaire). Autant de priorités ministérielles affichées qui ne sauraient tolérer, ici, une coupe budgétaire des moyens alloués aux personnels devant élèves. Nous pourrions alors à nouveau, enregistrer des progrès, à la condition d’imposer à l’école privée toute ou partie du cahier des charges de l’école laïque, publique et républicaine.

Boris Enet