Los Angeles : Apocalypse Now
Les citoyens américains viennent d’élire un président fièrement révisionniste à l’égard de la science et du réchauffement climatique. Tragique coup du sort, les flammes dévorent toujours une partie de la Californie, dont Los Angeles. Une tragédie pour sortir du déni ?
Donald Trump réfute l’augmentation de la température moyenne de 1.1°C depuis le XIXe siècle. Pire, il dénie aux scientifiques la certitude de l’origine de ce réchauffement, pourtant rigoureusement établie : les activités humaines consommatrices d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Aucun endroit du globe n’échappe désormais à la violence croissante des phénomènes météorologiques exceptionnels. Les derniers en date : le cyclone Chido dévastant Mayotte et des trombes d’eau emportant Valencia.
En 2024, la planète a connu 41 jours supplémentaires de chaleur dangereuse et c’est dans les deux pays du monde les plus peuplés, l’Inde et la Chine, que la situation est devenue la plus critique. Deux pays au coude à coude avec les États-Unis pour la première place des pays émetteurs de gaz à effet de serre, notamment par l’utilisation du charbon. En 2024, la vague de chaleur indienne restera dans les mémoires, atteignant près de 49 degrés, notamment dans sa capitale New Delhi. À moins qu’elle ne soit tristement banalisée par les suivantes…
Pour réveiller les consciences, « Scientifiques en rébellion » fondé en 2020, regroupe près de 500 chercheurs, géographes, géologues et informaticiens, prêts à l’action militante, puisque les rapports et alertes du GIEC et autres COP peinent à emporter la décision d’une transition devenue vitale pour le genre humain. D’aucuns soulignent que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne à l’heure d’en affronter les conséquences. Les sociétés les moins préparées et les moins développées paient logiquement le plus lourd tribut. De ce point de vue, la « force des feux proche de celle d’un ouragan » selon l’expression de la maire de L.A, Karen Bass, peut constituer un point pivot. De l’Est de Malibu à Pacific Palisades, les beaux quartiers sont menacés par le feu le plus important, ayant déjà dévaté 96 kilomètres carrés et menaçant désormais la vallée de San Fernando.
Le bilan humain provisoire de 24 décès accable une société largement acquise au déni, rattrapée par ces images de villas luxueuses réduites à néant par Héphaïstos. Inutile de s’abriter derrière la topographie des lieux ou le déchaînement de vents violents et arides pour ne pas entendre que même les plus aisés sont désormais exposés. Les centaines de milliers d’évacués rappellent la fin d’un monde. Du fils de Tom Hanks, à l’acteur Billy Crystal, de Paris Hilton à Patrick Bruel, on ne compte plus les milliardaires et célébrités, consumant leur notoriété à la mesure des cendres de leurs quartiers ravagés pour témoigner de « scènes de guerre ».
La catastrophe toujours en cours a vite été rattrapée par la dualité de la vie politique. Trump s’en est vertement pris au gouverneur démocrate local, l’accusant de mauvaise gestion de l’eau pour lutter contre les incendies, avant de blâmer les écologistes pour avoir conservé des espaces végétalisés attisant les braises. Trump, tout de même, ne s’invente pas. Drôle de contre-attaque pour un homme dont l’une des priorités, à travers la nomination de Musk, est l’affaiblissement généralisé des agences fédérales de défense de l’environnement, et de tout ce qui évoque les normes, en matière de construction ou de respect des espaces protégés.
Lors de son précédent mandat, certains États et comtés, s’étaient désolidarisés de l’État fédéral, engagé dans le rejet des accords de Paris de 2015. Faute de l’avoir emporté en novembre, les démocrates américains ont la possibilité de démontrer l’universalité du chaos qui menace si rien n’est fait. C’est acquis, Naïrobi, Port au Prince ou La Havane périront plus vite face au déferlement climatique, mais Malibu et Hollywood n’échapperont pas à l’apocalypse. Par-delà l’ampleur du drame, c’est peut-être une révélation à large échelle chez l’oncle Sam. Reste à en atténuer les effets et s’y adapter. C’est la fonction qui échoue aux progressistes, de part et d’autre de l’Atlantique ou du Pacifique.