Lutte contre le narcotrafic : le volet manquant
Nécessaire, la répression ne suffira pas. Il faut répondre à la question : pourquoi tant de jeunes sont-ils attirés par les réseaux criminels ?
Vendredi à Marseille, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau et son collègue Garde des Sceaux, Didier Migaud ont lancé la bataille contre la « pieuvre qui menace les intérêts fondamentaux de la nation ». La création de cours d’assises spéciales, le renforcement de la législation sur les repentis, et le harcèlement des dealers sur la voie publique, vont évidement dans le bon sens. Mais il ne s’agit là que de pressions policières et d’arsenal juridique. Autrement dit, on ne traite ici que le dernier segment de la guerre globale qu’il faut conduire contre les narcotrafiquants.
« Qu’est ce qui s’est passé pour que nos gamins de 14 ans prennent les armes ? », a demandé aux deux ministres une femme dont le frère a été tué récemment sur Marseille. Dans certains quartiers, le désarroi des familles est palpable. Elles ont subi de plein fouet le dérapage des jeunes. Une longue chaîne dont les étapes sont bien identifiées : guetteurs, mules en charge du transport, dealers. Et maintenant les « sicarios », autrement dit, les tueurs à gages pour le compte d’un chef de réseau. Dans les années 1980, c’est avec de très jeunes hommes de main prêts à tout que le colombien Pablo Escobar a pu bâtir son empire et devenir « le roi de la cocaïne » en contrôlant depuis Medellin un immense marché. A l’époque, la bataille pour le contrôle de la vente des stupéfiants en direction des Etats-Unis et de l’Europe avait fait plusieurs milliers de victimes.
La France n’en est pas là, loin s’en faut. Pourtant, il ne suffit pas de parler de « narcoterrorisme » ou de renforcer la protection des repentis en s’inspirant de la lutte antimafia italienne pour contrer la montée en puissance des réseaux criminels. Il faut aussi entendre ce que réclament les familles des quartiers ravagés par la guerre des gangs qui se déroule sous nos yeux. Le volet social et sanitaire doit lui aussi être repensé.
Dans beaucoup de cas les structures familiales sont en grande difficulté en dépit de la présence de travailleurs sociaux dans ces quartiers. La déscolarisation, parfois aussi le manque de relais associatifs, et les difficultés à trouver rapidement des formations professionnelles ayant des débouchés attractifs, paralysent ou découragent ceux qui cherchent à s’en sortir.
Tendre la main à ceux qui veulent quitter ces réseaux, les protéger des menaces de représailles, les former et leur ouvrir des perspectives au-delà des ghettos de la drogue, tel est le chaînon manquant qu’il faudra ajouter au plus vite à ce qui vient d’être annoncé par le gouvernement Barnier. Faute de quoi, les jeunes de ces quartiers resteront scotchés devant des vidéos où l’on voit des hommes masqués et armés tenir une sorte de conférence de presse sous le sigle « DZ-Mafia », en adoptant un imaginaire de bandit comme d’autres jeunes colombiens l’avaient fait avant eux en devenant les petits soldats de Pablo Escobar.