Macron : ambiance fin de règne
Le Président de la République doit finaliser avec François Bayrou la constitution d’un gouvernement sous les feux des oppositions. Réussira-t-il à enrayer la spirale infernale qui pourrait le mener à sa démission ?
A quelques jours de Noël, l’inquiétude gagne : quelle est donc cette drôle d’atmosphère qui s’est emparée du pays ? Délétère, elle est devenue anxiogène. C’est que depuis plus de six mois, on déboussole les Français : la dissolution, puis l’absence de gouvernement pendant les Jeux Olympiques, et à la rentrée, des semaines à patienter avant la nomination de Michel Barnier, le plus éphémère des Premier ministres de la Vème République, obligé de s’en aller après avoir été censuré. A peine l’a-t-il remplacé, François Bayrou est à son tour déjà sur la sellette, à se demander s’il occupera encore Matignon longtemps après les fêtes.
Pendant ce temps, Emmanuel Macron papillonne, comme si de rien n’était. Il inaugure en grande pompe Notre-Dame de Paris, paradant au milieu des chefs d’Etat du monde entier en leur assurant que c’est grâce à lui et non aux artisans qu’elle a été rapidement reconstruite. Puis il se rend à Mayotte, pour promettre aux Mahorais que la France va rebâtir leur île sinistrée aussi vite que la cathédrale de Notre-Dame. Il termine enfin son périple par un dîner en compagnie des troupes françaises à Djibouti. Ceci tandis que François Bayrou patauge à Paris pour tenter de constituer un gouvernement.
Et l’on se met à se demander si le psychiatre italien, certes contesté, qui avait autrefois traité le Président de la République de « narcisse psychopathe » n’avait pas dit un peu vrai.
Car en réalité, si la France en est là aujourd’hui, ce n’est ni à cause de Michel Barnier ni à cause de François Bayrou mais bien d’Emmanuel Macron flanqué de son bras droit Alexis Kohler. Malgré la défaite de leur camp aux élections législatives du 7 juillet, ils refusent de céder la moindre parcelle de ce qu’ils considèrent être le bilan des années Macron, à savoir essentiellement la politique de l’offre et la réforme des retraites.
Ceci explique pourquoi, malgré l’arrivée en tête de la gauche aux élections législatives, Emmanuel Macron s’obstine à refuser de nommer un Premier ministre de gauche et les choisit à droite. Ceux-ci se retrouvent obligés de naviguer à vue, à la recherche d’improbables compromis et empêchés de trouver une majorité, tant ils sont bloqués par le diktat du Président sur son bilan.
Hasard du calendrier, c’est le moment où le journal Le Monde publie une série en quatre épisodes intitulée « Le président et son double », signée par les talentueuses et indiscutables grandes reporters Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin. Emmanuel Macron y est décrit comme une personnalité déroutante et mystique, un homme « double » qui peut agir en majesté ou au contraire seul et dans le secret. Le tout-Paris reprend dans les dîners en ville quelques-uns de ses extraits ravageurs, tels : « le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou », propos qu’aurait délivrés le Président de la République à Aurélien Rousseau lorsqu’il était ministre de la Santé et qui sont fermement démentis par l’Élysée. Tout comme le sont les qualificatifs de « cage aux folles » quand Gabriel Attal était à Matignon ou de « cocottes » lorsqu’il était question cet été des agissements de Marine Tondelier et Lucie Castets.
Raciste, homophobe et sexiste Emmanuel Macron ? Les raccourcis sur des échanges dans le huis-clos de l’Élysée en présence de quelques intimes sont trop rapides pour conclure. Qui n’a émis de mauvaises blagues en compagnie de ses amis ? Mais ce qui frappe le plus, c’est la liberté que s’est octroyée Le Monde, journal institutionnel et de qualité, pour consacrer quatre fois deux pages pleines au caractère pour le moins contestable du Président. Un tsunami médiatique qui dégage une atmosphère de fin de règne sur laquelle la Macronie ne s’est pas trompée en montant à l’assaut du Monde pour dénier tout professionnalisme à son enquête et tenter ainsi de sauver le soldat Macron.
Car avec les partis d’opposition, arc-boutés sur leur refus d’un arrangement de pacotille avec un François Bayrou hors-sol, se dessine pour la première fois la possibilité pourtant redoutée d’une démission forcée d’Emmanuel Macron. Les institutions bloquées, la réalité de la situation politique niée : qui d’autre que lui serait le responsable désigné ? L’ironie du sort étant que dans le même numéro, le journal Le Monde consacre une page entière au duel présidentiel qu’anticipent déjà … Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.