Macron chef de guerre
Invoquant un monde où règne la « loi du plus fort », le président accélère la hausse du budget de la Défense qui aura doublé sous sa présidence. À un moment où les Français doivent économiser 40 milliards sur le budget 2026. Le supporteront-ils ?
Comme il est loin le temps où le discours du jeune impétrant hautain, décalé et agressif devant les militaires à l’hôtel de Brienne, avait provoqué le 14 juillet 2017 la spectaculaire démission du général Pierre de Villiers ! Tout juste élu président de la République, Emmanuel Macron n’avait alors pas supporté que le Chef d’État-Major des Armées (CEMA) lui réclame une hausse accélérée du budget de la Défense face à la menace que l’élection de Donald Trump faisait déjà peser sur l’Europe.
Lors de son neuvième discours aux armées, le 13 juillet 2025, devant le même parterre à Brienne, c’est un Emmanuel Macron devenu grave qui décrit le « moment de bascule » qui menace nos libertés. Les conflits multiformes qui déchirent la planète (Iran, Moyen-Orient, Inde et Pakistan …), la persistance de la menace terroriste, la victoire de la « loi du plus fort », justifient désormais le doublement des crédits alloués à la défense. Celui-ci passera de 32 milliards d’euros lors de son arrivée à l’Élysée en 2017 à 64 milliards lorsqu’il en partira en 2027, un chiffre jusqu’à maintenant programmé pour 2030 par la loi de programmation militaire (LPM). Son éloge appuyé à Thierry Burkhard, qui a préparé les esprits lors d’une conférence de presse inédite pour un CEMA, assénant que la Russie a désigné la France comme son principal adversaire en Europe, donne a posteriori raison aux justes prédictions du général récalcitrant d’il y a neuf ans, Pierre de Villiers.
Huit ans, c’est le temps qu’il a fallu à Emmanuel Macron pour revêtir vraiment son habit de chef des Armées. « Nous n’avons plus les dividendes de la paix dont ont bénéficié nos parents. Pour être libre, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant. La nation doit être la plus forte. Il faut un indispensable sursaut ». Voilà pourquoi la France consacrera 3,5 milliards d’euros supplémentaires en 2026 et 3 milliards en 2027 à son budget de Défense, un effort que le chef des Armées qualifie de « proportionné, crédible, indispensable ».
Comment trouver ces nouveaux crédits au moment où pour réduire sa dette, la France doit au contraire économiser 40 milliards d’euros ? Pour y arriver, le président demande aux parlementaires de ne pas censurer le budget et il remercie François Bayrou à qui revient le sale boulot de donner les explications mardi 15 juillet. Tout juste comprend-on que la France qui ne peut plus emprunter, devra produire plus, plus vite, avec une meilleure productivité dans l’aérien, le spatial, la formation des soldats, et le développement d’une réserve pour les militaires dont les contours sont renvoyés à la fin de l’année.
Créer un vrai pilier européen de l’OTAN : telle est la justification de l’effort qu’Emmanuel Macron réclame aux Français. Il a conscience de charger encore la barque, lui qui a piloté l’hallucinante hausse de la dette de la France qu’on évalue à 1000 milliards d’euros. Comment réagiront les Français quand François Bayrou leur dira qu’il leur faut être plus nombreux à travailler davantage et de façon plus efficace ? Accepteront-ils de réparer soudain les dizaines d’années où, sous les présidents successifs, le budget de la Défense a été raboté et de payer le prix des cadeaux électoralistes distribués lors de la non-campagne présidentielle de 2022 ?



