Macron en route pour le Far West

par Pierre Benoit |  publié le 23/02/2025

Le président français veut convaincre Trump par le dialogue et l’explication. Il risque de tomber sur un os…

Le président Emmanuel Macron arrive à la Maison Blanche à Washington, DC, le 24 février 2025. (Photo Jim WATSON / AFP)

A quelques heures de son départ pour Washington, Emmanuel Macron se veut rassurant dans les allées du Salon de l’agriculture : « Je suis déterminé pour avoir un échange qui, je l’espère, sera amical, comme nous l’avons toujours eu. On partagera nos accords, nos désaccords et j’espère que l’on trouvera des solutions ».

Ce n’est pas la première fois que le président français évite les attaques frontales pour garder le contact avec Donald Trump. Lors d’un échange en direct sur Internet il tentait, voici une semaine, une analyse de la stratégie diplomatique du locataire de la Maison Blanche : « Donald Trump crée de l’incertitude chez les autres (…) Je vais lui dire, au fond, tu ne peux pas être faible face au président Poutine. Ce n’est pas ta marque de fabrique (…) Comment être crédible face à la Chine, si tu es faible face à Poutine ».

Sauf à considérer que ces propos publics sont des leurres pour masquer une autre stratégie, un autre ton, d’autres points d’attaques contre l’équipe Trump, qui seraient réservés au tête-à-tête dans le huis clos de bureau ovale, on voit mal le nouveau président américain subitement ébranlé par l’approche « mezzo voce » d’Emmanuel Macron. Cette manière d’opérer en voulant convaincre par le dialogue avait déjà été observée, on s’en souvient, lorsque le président français enchaînait les coups de téléphone réguliers avec Poutine en 2022, au plus fort de la crise ukrainienne.

Emmanuel Macron rencontre Trump après avoir réuni à l’Élysée à deux reprises la quasi-totalité des responsables politiques de l’UE. Tous ont dénoncé les échanges entre Trump et Poutine excluant l’Ukraine et court-circuitant les Européens. Unanime, l’Europe demande à Washington de ne pas tomber dans les pièges de la Russie. Mais elle n’a pas encore élaboré une contre-offensive stratégique, elle hésite sur les contours de l’architecture de sécurité qui sera la sienne après la mort cérébrale de l’Otan.

Avant de prendre la direction de Washington, le président français a parlé avec Ursula von der Leyen et le premier ministre britannique Keir Starmer . « Nous avons discuté de notre soutien indéfectible à l’Ukraine », a écrit sur son compte X la présidente de la commission.

Outre l’Ukraine, Macron va plaider la cause européenne sur les tarifs douaniers. Donald Trump a signé vendredi un mémorandum imposant des droits de douane à la France et au Canada, deux pays qui prélèvent des taxes sur les revenus des géants de la tech. Il n’est pas certain que Trump l’écoute d’une oreille très attentive.

Un mois après l’arrivée au pouvoir du président républicain, l’Europe a compris que Trump se sent plus proche de Poutine, y compris dans ses visées impériales, que de Macron. Dans cette visite le président français va tenter de ralentir le rythme de la diplomatie russo-américaine sur l’avenir de l’Ukraine, pour donner une chance à l’Europe d’infléchir le cours des choses.

Depuis le 20 janvier on a vu surgir un tsunami diplomatique qui n’est pas improvisé.

Trump n’a pas encore parlé de la Chine. Il déroule un programme, il veut d’abord obtenir des résultats rapides sur Gaza et l’Ukraine. Au passage, il dévoile sa méthode : dans le monde de Trump, la loi du plus fort s’impose dans les relations internationales. Tout ce qui ressemble au dialogue, au compromis, à la concertation rappelle l’époque du multilatéralisme. Le monde d’avant. Aujourd’hui l’esprit de conciliation est vu comme un aveu de faiblesse. La priorité est donnée à l’intimidation, la menace et la politique du fait accompli. Les bonnes manières amicales et le sens du dialogue affichés par Macron ne sont plus de mise à la Maison Blanche.
Au fond, pour Trump, le bon exemple, c’est Poutine.

Pierre Benoit