Macron, le lâcheur lâché
Les tractations parlementaires, quoiqu’obscures, mettent surtout en lumière l’abandon du macronisme par les macronistes.
Emmanuel Macron avait bâti sa fortune présidentielle sur une trahison : celle de François Hollande, qui avait guidé son ascension de simple conseiller à ministre et qui l’a vu se retourner contre lui, se porter candidat sur une ligne hostile et lui succéder à l’Élysée.
Destin immuable de ceux qui mordent la main qui les ont nourris : instruits par l’exemple, leurs affidés les trahissent à leur tour dès qu’ils en ont l’occasion. Édouard Philippe, Premier ministre promu par le fait du jeune prince, a ouvert la voie en constituant sa petite boutique autonome dans l’ex-majorité présidentielle, cherchant désormais sans fioritures à se distancier du président. Voici maintenant que Gérald Darmanin et Gabriel Attal, tous deux mis sur orbite par Emmanuel Macron, choisissent la même volte-face. L’un veut dicter au président sa stratégie en fusionnant avec la droite dont il est originaire ; l’autre, jeune premier né du macronisme, désavoue son mentor publiquement en condamnant en termes sévère la dissolution et se fait élire président du groupe Renaissance, avec la ferme intention de vivre sa vie hors de toute allégeance.
C’est le sort d’un président qui ne peut plus se représenter et qui a braqué contre lui ses plus fidèles soutiens en décidant seul d’envoyer ses amis au casse-pipe de la dissolution. Lesquels amis ont fait campagne en essayant à tout prix de faire oublier qu’ils étaient ses lieutenants ou ses fantassins, effaçant ostensiblement son image de leur matériel de campagne.
« Il était Bonaparte, il deviendra Coty »
Tant que les parlementaires n’auront pas trouvé entre eux une majorité crédible capable de gouverner le pays, il gardera une influence sur les événements. Mais à la minute où cette coalition aura vu le jour, il entrera en cohabitation, contraint de laisser ses anciens amis devenus ses adversaires décider de la politique nationale en dehors de lui. Il était Bonaparte, il deviendra Coty.
C’est habituel en politique, dira-t-on. Certes. Giscard avait été trahi par Chirac et Chirac par Sarkozy. Mais Mitterrand, ondoyant et ductile s’il en était, avait réussi à susciter des fidélités solides. Il avait combattu durement au sein de la gauche, mais une fois président, celle-ci l’a soutenu jusqu’au bout. Le lugubre dernier conseil des ministres de la macronie, qui s’est tenu hier, faisait un contraste saisissant avec celui de la mitterrandie, toute d’émotion et de respect, en dépit des divergences qui séparaient les protagonistes.
C’est que le macronisme, une bouture artificielle entre droite et gauche, n’avait aucune force idéologique, sinon celle du centrisme, qui se définit par nature en regard des deux camps de l’alternance, comme un refus, ou comme un pot-pourri. Les macronistes croyaient en Macron et non dans le macronisme, qui n’était qu’un opportunisme. Macron affaibli, ils abjurent de leur foi superficielle pour suivre leur propre ambition. Laissant à l’Élysée une ombre de président, réduit à constater les nouveaux équilibres et à leur obéir, tel le jeune fantôme d’une parenthèse révolue.