Mairie de Paris : l’hypothèse Castets

par Valérie Lecasble |  publié le 13/09/2024

Après le score écrasant du Nouveau Front Populaire aux dernières élections législatives à Paris, une partie de la gauche pourrait être tentée de soutenir sa première ministrable aux prochaines élections municipales. Mais prendrait-elle le risque de déstabiliser la candidature d’Anne Hidalgo ?

La candidate de la coalition de gauche "Nouveau Front Populaire" (NFP), Lucie Castets, aux "Journées d'été" de l'EELV à Tours, le 22 août 2024. (Photo de GUILLAUME SOUVANT / AFP)

La rumeur est insistante parmi les familiers de l’Hôtel de Ville : la France Insoumise, soutenue par de nombreux écologistes, voire par certains socialistes, envisagerait une candidature de Lucie Castets à la mairie de Paris. Pas de preuve concrète mais une construction intellectuelle selon eux incontournable : « Le Nouveau Front Populaire a fabriqué un monstre, il va l’utiliser ».

Lucie Castets, qui a bataillé tout l’été pour tenter de s’emparer du poste de Premier ministre avec le soutien de la gauche unie, s’est forgé une image jusqu’à surgir à la deuxième place du classement des personnalités préférées des électeurs de gauche. Courageuse, pugnace, empathique, disciplinée, elle a délivré pendant un mois avec sérieux et détermination le message que les quatre chefs de partis (LFI, Verts, PS, PC) avaient élaboré pour elle. Simple directrice des finances et des achats à la Mairie de Paris, l’énarque a pris une dimension politique en sillonnant la France et en occupant les plateaux de télévision. Elle a fait le job, jusqu’à tenir la vedette lorsqu’Emmanuel Macron a reçu le Nouveau Front Populaire, en répondant avec précision aux nombreuses questions qu’il lui a posées.

Écartée de Matignon, l’énarque va-t-elle rebondir ? On peut le croire depuis qu’elle a annoncé le 29 août, malgré son échec, « mettre fin à ses fonctions de directrice des finances de la Ville de Paris » tout en prenant soin de préciser qu’elle « ne démissionnerait pas de la fonction publique ».

Depuis, le petit monde politique parisien s’interroge : quel dessein a donc Lucie Castets ? L’hypothèse est toute trouvée : se faire élire maire de Paris. Il suffit d’examiner le score remarquable réalisé par le Nouveau Front Populaire aux dernières élections législatives dans la capitale pour s’en persuader. À elle seule, la gauche unie a raflé douze des dix-huit circonscriptions de la ville, soit les deux-tiers, en laissant seulement six à Ensemble dans l’ouest parisien et aucune à quiconque d’autre. Une razzia d’autant plus éclatante que parmi les douze élus, neuf d’entre eux, soit les trois-quarts, sont passés dès le premier tour. Au total, on recense six élus de La France Insoumise, y compris Sophie Chikirou, la controversée bras droit de Jean-Luc Mélenchon, quatre Europe-Écologie-Les-Verts et deux du Parti Socialiste, dont Emmanuel Grégoire, l’ex-premier adjoint d’Anne Hidalgo, passé au NFP.

Dans la course à la mairie de Paris, cette situation peut peser lourd. Certes, les élections législatives ne sont pas les municipales ; certes le vote LFI s’est surtout concentré dans le Nord-Est parisien ; certes, l’émergence du Front Républicain pour barrer la route au Rassemblement National était exceptionnelle. Mais la capitale paraît aujourd’hui tellement ancrée à gauche qu’on s’interroge, par exemple, sur la possibilité du maintien de la candidature d’une Rachida Dati.
Quant à Anne Hidalgo, elle tient les rênes de la fédération socialiste de la capitale, elle a été requinquée par la belle fête des Jeux Olympiques qui a légitimé sa vision d’une capitale sans voitures. Pour elle cependant, même réputée coriace, rien n’est gagné. Sa gestion contestée depuis dix ans lasse ses soutiens et exaspère ses adversaires, comme Olivier Faure, le Premier Secrétaire du Parti socialiste, à qui elle a reproché publiquement de ne pas avoir soutenu Bernard Cazeneuve pour s’emparer de Matignon.

Autant de raisons qui pourraient inciter LFI et une bonne partie des écologistes à présenter une candidature de gauche face à elle, une hypothèse qui, dans l’entourage d’Anne Hidalgo, n’est pas prise au sérieux. Pourtant qui, mieux que Lucie Castets qui a occupé pendant quatre ans un poste clé à la mairie de Paris, pour lancer le défi ?

Valérie Lecasble

Editorialiste politique