Mauvaise passe à Damas
David McCloskey nous entraîne dans le labyrinthe de services très secrets et pas très ragoutants. Le meilleur thriller de 2024 !
David McCloskey sait de quoi il parle. Ancien analyste de la CIA, il a baroudé à travers tout le Moyen-Orient. Il est aussi spécialiste de la Russie, ce qui fait toujours bien sur un CV. Surtout quand on se balade du côté de la Syrie !
La cible : Mariam Haddad. Membre de la communauté chrétienne de Damas, elle est au cœur du réacteur en tant que haut- fonctionnaire au palais du président al-Assad. Surtout, son oncle Daoud est le responsable des projets d’armes chimiques syriennes. Dans ce job, il a un accès direct et privilégié aux frères Ali et Rustum Hassan, deux généraux sanguinaires, quoique chrétiens eux-aussi, sicaires du président dont ils exécutent les basses-œuvres en toute impunité. Ajoutons à cela un bonus : Mariam a une sœur chérie, Razan, qui s’est faite sauvagement agresser dans une manifestation anti-Assad et risque la mort. C’est là une faille dans laquelle Samuel Joseph, agent opérationnnel GS-12, va s’engouffrer.
Le contact entre Mariam et Sam, a lieu à Paris, au Quai d’Orsay. La jeune femme n’a pas la moindre idée de qui il est, ni de ce qu’il veut, mais elle ne reste pas insensible à son charme. Mariam est à Paris pour tenter de convaincre une opposante au régime d’arrêter son agitation anti-Assad en Europe et de rentrer en Syrie. Elle n’hésite pas pour cela à faire usage de la menace qui pèserait, en cas de refus, sur sa famille restée au pays. Mais pour tout dire, elle doute d’être dans le bon camp.
Lancé dans le piège de Damas, Sam fait front : meurtres, tortures, trahisons, chantages, enlèvements, rien ne lui est épargné. S’il est rompu à toutes les techniques de l’espionnage – et il en aura besoin quand les Russes entreront dans la danse – il a un talon d’Achille : son histoire d’amour avec Mariam, qui n’échappe pas à la sagacité de ses adversaires. Heureusement, il a ses propres anges gardiens, les « Banditos », le cryptogramme des triplés Assab : Elias, Yousouf et Rami. Munis de la double nationalité syro-américaine, ce sont les fils d’une riche famille chrétienne possédant des concessions automobiles dans tout le Moyen-Orient. Bénis soient-ils !
Chaud
Avec John Le Carré, les espions venaient du froid. Aujourd’hui, ils vont beaucoup vers le chaud – au sens météo, mais surtout sur l’échelle sismique du danger. Et actuellement, quoi de plus chaud que l’arc de cercle qui va de Téhéran à Damas. Cette même Téhéran où vient d’avoir lieu l’élimination d’Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas.
Comme Le Carré, qui connaissait le monde de l’espionnage de l’intérieur pour l’avoir pratiqué, McCloskey nous entraîne dans le labyrinthe de services très secrets et pas très ragoutants avec un souci du détail et de la vérité qui honore le Maître. Tout en nous plongeant dans la marmite bouillante du Moyen-Orient, il conduit son affaire en maestro. Avec en prime, cette love affair torride entre Mariam et Sam.
Le New York Times ne s’y est pas trompé qui a élu Mission Damas « meilleur thriller de l’année 2023 ». Compte-tenu des délais de traduction – celle de Johan-Frédérik Hel-Guedj est excellente, comme d’habitude -, nous consacrons ce roman « meilleur thriller de l’été 2024 ».
« Mission Damas, » de David McCloskey, traduction de Johan-Frédérik Hel-Guedj Verso (Le Seuil), 550 pages, 22,90 euros.