Mayotte : le jeu retors des Comores

par Gilles Bridier |  publié le 09/01/2025

Sous l’œil complice du gouvernement comorien, les migrants clandestins qui s’entassent dans les bidonvilles déstabilisent l’ile. La Russie souffle sur les braises.

Cette photo prise le 24 mai 2023 montre des policiers français arrêtant des migrants après qu'ils ont été interceptés alors qu'ils naviguaient clandestinement de nuit depuis les Comores vers l'île française de Mayotte dans l'océan Indien. (Photo Philippe LOPEZ / AFP)

A Mayotte, l’heure est à la reconstruction. Avec son plan « Mayotte debout », le Premier ministre François Bayrou veut construire « un autre Mayotte », sans bidonvilles. Mais les conséquences dramatiques des ravages causés par le cyclone Chido ont été amplifiées par les conditions de vie particulièrement dégradées d’une population comprenant environ un tiers de la population en situation irrégulière. Des migrants pour l’immense majorité d’origine comorienne et qui vivaient dans des bidonvilles meurtriers lorsque la catastrophe est survenue.

On pourrait multiplier les indicateurs qui illustrent le dénuement de ce département de 320.000 personnes officiellement déclarées. Selon l’Insee, trois personnes sur quatre vivent en-dessous du seuil de pauvreté, seulement 30% des personnes en âge de travailler ont un emploi, et la population croît au rythme de 3,8% par an (contre 0,3% pour le territoire métropolitain). Cette situation sociale explosive a poussé l’ex-ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, en février dernier, à annoncer la fin du droit du sol pour enrayer l’afflux de migrants clandestins, générateur de délinquance et d’habitat insalubre. Une proposition de loi constitutionnelle a été déposée en ce sens en septembre dernier par la députée de Mayotte, Estelle Youssouffa. Aujourd’hui, Bruno Retailleau à l’Intérieur et le ministre d’Etat Manuel Valls annoncent de nouvelles « mesures de fermeté ».

Influence russe

Cette réaction de Paris a un objectif: enrayer la déstabilisation du fonctionnement des institutions dans ce département français, alors que les autorités comoriennes refusent de coopérer pour endiguer la pression migratoire. Au contraire.

Les Comores souhaitent restaurer leur souveraineté sur Mayotte après que celle-ci a refusé l’indépendance en 1974, préférant demeurer dans le giron français. En quête d’appui, le gouvernement comorien a obtenu celui de la Russie, réaffirmé sur place en février dernier par un ambassadeur russe dans le cadre d’une coopération élargie. Celui-ci déclarait, dans un entretien au journal comorien Al-watwan, que « la Russie est prête à examiner toutes les demandes de la partie comorienne ». Il a insisté sur « le soutien continu de la Russie au droit légitime des Comores à restaurer la souveraineté sur l’ile de Mayotte conformément aux résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU ».

Cette déclaration est lourde de sens si l’on considère qu’elle fait suite à des propos tenus par l’influent ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov comparant la situation de Mayotte à celle de la Crimée, soustraite par la Russie à l’Ukraine en 2014. Mais en l’occurrence, Moscou utilise à son avantage la position de l’ONU qui n’a jamais entériné le rattachement à la France manifesté par la population mahoraise.

Déstabilisation

Les Comores sont une pièce du dispositif mis en place par Moscou pour élargir sa zone d’influence en Afrique. Cette stratégie s’est déjà matérialisée dans les pays du Sahel contre la présence française. « Mayotte est un point central en matière d’ingérences, à cause des Comores », n’hésite pas à déclarer Estelle Youssouffa, qui dénonce le détournement des revendications des Mahorais en un discours anti-français. Et Sacha Houlié, ex-député et ancien président de la commission des Lois à l’Assemblée nationale, de renchérir à l’occasion d’une visite sur place en mars dernier: « La Russie n’est pas bienveillante vis-à-vis de la France. »

Pour ces élus, « les Comores sont utilisées contre la France à travers Mayotte ». Comment ? En « utilisant l’arme démographique pour déstabiliser l’île », dénonce Estelle Youssouffa. La poussée du Rassemblement national aux élections exprime le désarroi d’une population qui juge que les partis de gouvernement, à droite comme à gauche, n’ont pas assumé leurs responsabilités pour que les institutions républicaines assurent leur protection. En laissant les candidats comoriens à l’exil s’entasser dans des bidonvilles insalubres.

Gilles Bridier